« Sniffy » : La poudre prétendument énergisante est en passe d’être interdite en France

Le lundi 3 juin, le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, a annoncé le dépôt d'un arrêté visant la suspension de la mise sur le marché des produits vendus sous forme de poudre, destinés à être consommés par voie nasale. 

Publié le 
24/7/2024
« Sniffy » : La poudre prétendument énergisante est en passe d’être interdite en France
 

Cette décision a été soutenue par plusieurs acteurs majeurs suite à la commercialisation, depuis fin mai, de « Sniffy », une poudre à inhaler prétendument énergisante, produite par une entreprise marseillaise et vendue sans restriction d’âge au prix de 14,90 euros, qui suscite une vive polémique.

Elle est promue comme un « complément alimentaire » qui se décline en cinq saveurs sucrées (fruit de la passion, fraise bonbon, menthe…) et agirait pendant une vingtaine de minutes après la prise. 

La marque assure que son produit, contenant 90 % d’éléments naturels tels que la caféine, la créatine, la L-citrulline, la taurine, la beta-alanine, la maltodextrine et la L-arginine, serait particulièrement efficace pour rester éveillé, faire du sport, ou encore, se concentrer.

Cependant, la présentation de cette « poudre à sniffer » rappelle le mode de consommation de la cocaïne, ce qui inquiète les professionnels de santé et les politiques.

Une commercialisation décriée par le Gouvernement et les professionnels du secteur

La Confédération nationale des buralistes, représentant 23 000 commerçants, s'est opposée fermement à la commercialisation de ces produits, soulignant les risques d'amalgame avec des stupéfiants. 

Son président, Philippe Coy, a exprimé son refus catégorique, invoquant des raisons éthiques et morales. L’association Addictions France a également partagé ses préoccupations, mettant en garde contre la banalisation de la cocaïne et l'attraction potentielle des plus jeunes en raison des saveurs sucrées. 

Jérôme Guedj, député socialiste de l’Essonne, a quant à lui, indiqué sur le réseau social X qu’il préparait une proposition de loi pour interdire ce produit, qualifié de « simili-coke ». De son côté, l’association les Oubliés de la République, par la voix de sa présidente Elina Dumont, a alerté sur le risque que les dealers utilisent cette poudre légale pour tromper les consommateurs et les rendre addicts.

Bien que le ministre de la Santé ait déclaré, le 25 mai sur France Info, vouloir interdire "cette cochonnerie", l'arrêté du 3 juin ne mentionne pas explicitement le produit « Sniffy » mais fait référence à une "poudre présentée comme 'énergisante' à consommer par le nez”. Cet arrêté demande le retrait pour un an, et sur tout le territoire, de ces produits de "tous lieux où ils se trouvent" et le rappel auprès des consommateurs.

Une consommation légale mais pas sans risque

Légalement vendue depuis la mi-mai dans les bureaux de tabac français et sur Internet, cette poudre blanche se consomme par le nez à l'aide d'une paille fournie avec la poudre. Une similitude avec la consommation de cocaïne qui a provoqué l'indignation de nombreux spécialistes.

Le président de l’Association Addictions France, Bernard Basset, a confirmé que bien que les composants ne soient pas addictifs en eux-mêmes, le produit n’en reste pas moins dangereux en raison de la banalisation des comportements associés aux produits stupéfiants. Il met également en garde contre les effets secondaires potentiels, similaires à ceux des boissons énergisantes, tels que les douleurs thoraciques, l’hypertension et l’anxiété.

En outre, l’inhalation de la poudre pourrait causer des microtraumatismes dans les narines, semblables à ceux subis par les consommateurs de cocaïne.

Sur son site, le fournisseur de « Sniffy » restreint la vente de son produit aux adultes et conseille aux consommateurs de consulter un professionnel de santé pour évaluer les risques.

Puis, il recommande « de commencer par de petites doses », « d’augmenter au fur et à mesure », de ne pas dépasser « la dose quotidienne recommandée », qu’il estime à 2 grammes par jour, soit l’équivalent de deux fioles, et d’éviter toute interaction avec de l’alcool ou des médicaments.

Malgré ces précautions, l’aspect attractif et le marketing ciblé vers les jeunes, notamment via les réseaux sociaux comme TikTok, soulèvent des préoccupations importantes quant à la santé publique et la potentielle banalisation de la consommation de substances par voie nasale.

Par ailleurs, les preuves scientifiques manquent pour étayer les prétendues propriétés sportives des ingrédients contenus dans « Sniffy ».

Une procédure d’urgence enclenchée devant la Commission 

L'arrêté du 3 juin, déposé auprès de la Commission européenne, visant la suspension de la mise sur le marché des poudres énergisantes à inhaler, tel que le produit « Sniffy », présente un caractère général, prévu pour une durée d'un an.

Il cherche à contraindre les responsables de la mise sur le marché de ces produits à informer les consommateurs de leur caractère dangereux. 

Il souligne les risques de fragilisation des voies nasales, pouvant entraîner des saignements, des congestions, des infections des sinus et, en cas d'usage répété, une rupture du septum. Il pointe également un risque accru de transmission de maladies infectieuses par le partage de la paille ou de tout autre vecteur d'inhalation.

Faire cesser un danger grave et immédiat

Conformément à la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015, ce type de règlement technique doit être notifié à la Commission européenne pour évaluation, afin d'assurer qu'il ne constitue pas un obstacle à la libre circulation des marchandises au sein de l’Union. 

En règle générale, la Commission et les autres États membres disposent de trois mois pour formuler des avis ou observations, voire pour bloquer le projet. Cependant, une procédure d’urgence est prévue pour des situations graves et imprévisibles concernant la protection de la santé publique, permettant une adoption immédiate par l’État membre sous réserve de l'acceptation par la Commission. 

La France a invoqué cette procédure d’urgence dans sa notification en affirmant que des mesures urgentes étaient nécessaires pour faire cesser le danger grave et immédiat présenté par ces poudres.

Le texte de l'arrêté précise néanmoins qu’il ne s’applique pas aux médicaments, dispositifs médicaux et produits du tabac, ciblant ainsi explicitement la poudre Sniffy.

La réponse de Sniffy

En réponse, Sniffy invoque la légalité de son produit et affirme sur son site internet que cette poudre blanche est totalement conforme à la loi, bien qu'elle puisse évoquer « le plaisir interdit ». Cependant, depuis le dépôt de l’arrêté, le site internet a néanmoins changé de terminologie.

En effet, depuis le 5 juin, ce produit énergisant est désormais présenté comme "poudre à absorber" sur le site de Sniffy France, abandonnant ainsi la promotion de sa consommation par inhalation au profit d'une simple « consommation orale ».

La France dans l’attente d’une réaction de la Commission

En réponse, et pour ne pas perdre de temps, le maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, alerté « par les représentants du corps enseignant », a déjà interdit la vente de « Sniffy » aux mineurs sur son territoire à partir du 21 juin. Cette interdiction locale, fondée sur les préoccupations de santé publique, s'accompagne d'une surveillance policière des points de vente pour garantir le respect de l'arrêté municipal.

En attendant la réaction de la Commission, la France peut justifier cette mesure en se basant sur l'article L.3421-4 du code de la santé publique, qui punit la présentation sous un jour favorable de l'usage illicite de stupéfiants. Le ministre de la Santé pourrait ainsi prendre une mesure de police administrative pour interdire la vente de « Sniffy », en invoquant les risques sanitaires liés à son mode de consommation, malgré la légalité de ses composants, comme d’autres produits légaux vendus sous des formes proches de drogues. 

Par ailleurs, ce produit se présentant comme un « complément alimentaire », il se doit d’obéir à certaines règles, similaires pour la plupart à celles dont dépendent les boissons énergisantes.

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