Droit européen de la concurrence
Selon le juge de l'Union, la nature de statut légal du droit de marque le fait échapper aux éléments contractuels ou de concertation envisagés par l'article 101 TFUE. Néanmoins, son exercice peut tomber sous le coup de la prohibition s'il apparaît comme étant l'objet, le moyen ou la conséquence d'une entente. Tel serait le cas si les effets de la concertation dépassaient ceux attachés au droit de marque. De même, la seule existence d'un droit de marque ne suffit pas à conférer à son titulaire une position dominante. L'exercice du droit de marque n'est pas davantage contraire à l'article 102 TFUE pour le seul motif qu'il est le fait d'une entreprise en position dominante, dès lors qu'il n'est pas utilisé comme l'instrument de l'exploitation abusive d'une telle position.
Par ailleurs, l'exercice du droit de marque ne peut entraver la libre circulation des marchandises au-delà de ce qu'exige la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la marque, à savoir assurer à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser pour la première mise en circulation d'un produit, et le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci. Cet objet spécifique découle de la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs l'identité d'origine d'un produit, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux d'une autre provenance.
Aussi le titulaire d'un droit de marque peut-il légitimement s'opposer à l'importation, dans son pays, de produits revêtus licitement, dans un autre pays, d'une marque similaire ou d'un produit commercialisé dans un autre État membre sous une dénomination qui prête à confusion. Il peut également, sous certaines conditions, s'opposer à la commercialisation par le titulaire ou avec son consentement du produit d'origine reconditionné. La règle de l'épuisement des droits l'empêche ensuite de s'opposer à l'importation dans un État membre de produits commercialisés sous cette marque dans les autres pays de l'UE, par lui-même ou avec son autorisation. La charge de la preuve de la première mise en circulation pèse sur le titulaire du droit de marque. Il ne peut ainsi empêcher le transit de marchandises, qui n'implique aucune commercialisation des marchandises en cause, ni s'opposer au réétiquetage des produits marqués afin de supprimer leurs numéros d'identification et certaines mentions, s'il est établi que l'exercice de ce droit a pour effet de cloisonner artificiellement les marchés et à condition que les modifications apportées ne portent atteinte ni à l'état originaire du produit ni à leur image ou à leur réputation, que le réétiquetage soit nécessaire à leur commercialisation dans l'État membre d'importation, et que le titulaire du droit en soit préalablement averti. Le titulaire de la marque ne peut pas plus interdire l'utilisation de la marque par un distributeur non agréé afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure des produits, à moins que cette publicité ne porte une atteinte sérieuse à la renommée de celle-ci. En revanche, les droits du titulaire d'une marque ne sont pas épuisés par la cession de celle-ci à un tiers en vue d'une commercialisation des produits limitée à certains États membres, lorsque ce tiers n'est pas lié économiquement au titulaire, que ce soit par un contrat de concession ou de licence, ou en raison de liens capitalistiques, et qu'en conséquence aucun contrôle ne peut être exercé sur la qualité des produits.