Acquisitions prédatrices

 

Droit français de la concurrence

Dans le secteur du numérique, le droit des concentrations se trouve fréquemment confronté à de nombreuses opérations de fusion-acquisition - qui échappent au contrôle des autorités de la concurrence car elles visent des entrants innovants ou n’ayant pas encore monétisé leur innovation - réalisés par les géants du web, qui mettent en œuvre une politique d’ “acquisitions prédatrices” intensive, soit pour tuer la cible dont la communauté croissante d’utilisateurs risque d'en faire rapidement un concurrent important - “killer acquisitions” -, soit le plus souvent pour intégrer à leur écosystème de jeunes start-up dont elles développent l’activité, afin d’augmenter leur propre communauté d’utilisateurs potentiels et renforcer leur position sur le marché dominé ou des marchés voisins - “acquisitions englobantes ou consolidantes” -. Dans tous les cas, la concurrence potentielle s’en trouve limitée sans que ces acquisitions soient soumises au contrôle des concentrations puisqu’elles ne dépassent pas les seuils nationaux ou européens de notification obligatoire : dans la première hypothèse, une source d’innovation qui aurait pu doper le fonctionnement concurrentiel du marché et bénéficier au consommateur se trouve éliminée, tandis que dans la seconde, cette source d'innovation se voit confisquée par l’opérateur dominant qui en recueille les bénéfices en privant les consommateurs d’offre alternative.

Dans sa contribution au débat sur la politique de la concurrence et les enjeux numériques du 21 février 2020, l’Autorité de la concurrence a proposé, pour remédier au vide juridique concernant les acquisitions prédatrices, un recours plus fréquent au mécanisme de renvoi prévu à l’article 22 du règlement 139/2004, qui permet à une autorité nationale de concurrence de renvoyer à la Commission une concentration non notifiable, que ce soit au regard des seuils nationaux comme européens, dès lors qu’elle menace d'affecter de manière significative la concurrence sur son territoire. Elle a aussi suggéré l’introduction d’un contrôle des concentrations dans l’économie numérique qui reposerait sur un double mécanisme, avec d’une part, l’instauration d’une obligation d’information, au bénéfice de la Commission et/ou des autorités de concurrence concernées, portant sur toute opération de concentration mise en œuvre par une plateforme numérique structurante sur le territoire de l’Union et d’autre part, l’ajout de nouveaux seuils de notification pouvant être mis en œuvre ex-ante, mais aussi ex post, sur demande d’une autorité de concurrence, à l’issue d’une veille concurrentielle, dès lors que trois conditions sont réunies : “l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration réalise un chiffre d’affaires total mondial supérieur à 150 millions d’euros ; l’opération soulève des préoccupations substantielles de concurrence identifiées sur le territoire concerné et le cas échéant ; l’opération ne relève pas de la compétence de la Commission européenne”. L’Autorité fait valoir à l'appui de sa proposition qu’un tel système est d'ores et déjà appliqué en Estonie, Hongrie, Irlande, Lituanie, Norvège, Suède, aux États-Unis ainsi qu’au Japon

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