Action en responsabilité du maître d’ouvrage contre un tiers au contrat

Contrats d'affaires

La responsabilité du tiers dans le cadre des contrats de construction

Si le maître d'ouvrage peut mettre en oeuvre la responsabilité de l'entrepreneur en cas de préjudice consécutif à l'inexécution de l'une ou l'autre de ses obligations, il arrive parfois que son dommage résulte de l'action d'un tiers, sous-traitant, fabricant ou vendeur, par rapport au contrat qu'il a conclu avec l'entrepreneur. En l'absence de lien juridique les reliant au maître d'ouvrage, se pose la question du fondement de l'action en responsabilité de ce dernier à leur encontre. Pour y apporter une réponse, la jurisprudence fait appel à la théorie des groupes de contrats.


Chaînes de contrats : distinction entre homogènes et hétérogènes

Il convient d'abord de distinguer entre les différentes chaînes de contrats, selon qu'elles revêtent un caractère homogène ou hétérogène, et qu'elles emportent, ou non, un effet translatif, au moins partiel de propriété, car, de ces distinctions, dépend le fondement contractuel ou délictuel de l'action du maître de l'ouvrage.


Chaînes de contrats homogènes et hétérogènes : caractéristiques et implications

Une chaîne de contrats désigne une succession de contrats qui portent sur le même objet. La chaîne est homogène si les contrats sont de même nature. Relèvent ainsi de chaînes de contrats homogènes les ventes successives, ou la sous-traitance, qui se caractérise par la conclusion d'un contrat d'entreprise suivi d'un autre contrat d'entreprise, avec pour différence que, dans le premier cas, la chaîne est également translative de propriété, tandis qu'elle ne l'est pas dans le second. Une chaîne hétérogène de contrats recouvre l'hypothèse dans laquelle plusieurs contrats de nature différente - un contrat d'entreprise suivi, par exemple, d'un contrat translatif de propriété, tel un contrat de fourniture de matériaux – sont conclus. Ces contrats, en tant qu'ils participent à la réalisation de la prestation convenue au contrat initial et portent sur le même objet, constituent une chaîne hétérogène de contrats partiellement translative de propriété. En présence d'une chaîne de contrats translatives de propriété, la jurisprudence confère la possibilité au maillon situé en bout de chaîne - en l'occurrence, le maître d'ouvrage - d'agir directement, à titre contractuel, à l'encontre de ceux avec lesquels il n'a pourtant souscrit aucun contrat, par exemple, le fabricant ou le vendeur de matériaux utilisés par l'entrepreneur. En revanche, le bénéfice de l'action directe contractuelle est refusé au maître d'ouvrage dans les chaînes non translatives de propriété qui ne pourra agir contre le sous-traitant que sur un fondement délictuel.


Divergences jurisprudentielles et intervention de l'Assemblée plénière

La solution résulte de deux épisodes de divergences jurisprudentielles entre la  première et la troisième Chambres civiles de la Cour de cassation, qui ont contrainte la Haute juridiction à se réunir en Assemblée plénière. Dans un premier temps, la première Chambre civile avait estimé que, dans le cadre de ventes successives d'un même bien, l'action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire est nécessairement de nature contractuelle. Elle avait ensuite étendu la solution au maître d'ouvrage agissant contre le fabricant de matériaux qui dispose d'une action directe, nécessairement de nature contractuelle, pour la garantie du vice caché qui affecte la chose vendue dès sa fabrication. Mais ce raisonnement n'était toutefois pas suivi par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation.


Arrêts majeurs et précisions de la Cour de cassation

Tranchant en faveur de la première Chambre civile, la Cour de cassation a relevé, par deux arrêts en date du 7 février 1986, que le maître d'ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur, et dispose à cet effet d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée contre le fabricant. La Cour a ensuite admis que le maître de l'ouvrage est en outre titulaire d'une action contractuelle directe contre le fabricant en présence de désordres consécutifs à un vice caché du produit fabriqué ne pouvant être décelé lors de la mise en oeuvre par les entreprises exécutantes. Il découle de cette jurisprudence a contrario, que le fabricant d'un bien installé par un entrepreneur au profit d'un maître d'ouvrage, est en droit d’opposer à l’entreprise qui est subrogée dans les droits de ce dernier et exerce une action contractuelle, l’ensemble des moyens de défense qu’il aurait pu opposer à son cocontractant.

Souhaitant étendre le domaine de l'action contractuelle au-delà des chaînes de contrats translatives de propriété, la première Chambre civile avait alors ensuite énoncé, par un attendu de portée très générale, que dans le cas où le débiteur d'une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l'exécution de cette obligation, le créancier ne disposait contre cette personne que d'une action de nature nécessairement contractuelle, qu'il pouvait exercer directement dans la double limite de ses droits et de l'étendue de l'engagement du débiteur substitué. Hostile à une admission si large de l'action contractuelle directe, la troisième Chambre civile s'était, au contraire, prononcée en faveur du fondement délictuel de l'action du maître d'ouvrage envers le sous-traitant. Contrainte de nouveau d'intervenir pour mettre fin à ses positions inconciliables, la Cour de cassation, statuant en Assemblée plénière, s'est prononcée en faveur de la troisième Chambre civile par le célèbre arrêt Besse du 12 juillet 1991 : le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage, de sorte qu'il ne peut lui opposer l’ensemble des moyens de défense issus du contrat de construction conclu entre celui-ci et l’entrepreneur principal, y compris les dispositions légales applicables à cette convention.

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