Droit français de la distribution
La sélection est licite dès lors qu'elle concerne des produits de luxe ou de haute technicité et est fondée sur des critères objectifs de qualité appliqués sans discrimination. L'application objective des critères de sélection suppose une certaine précision dans leur définition. Un critère de sélection peut être dépourvu d'objectivité eu égard à la généralité des termes utilisés: seule la fixation de critères précis permet au distributeur potentiel d'en contrôler l'existence et d'apprécier ses chances d'intégration dans le réseau. L'intuitus personae peut aussi constituer un obstacle à la sélection objective des concessionnaires dans la mesure où les critères d'agrément ne sont pas préalablement définis et communiqués à tout opérateur qui souhaite intégrer le réseau.
Les critères qui se limitent à des exigences techniques ou professionnelles sont généralement considérés comme de nature objective. Les critères imposant la présence à proximité de produits de “haute qualité” et insusceptibles de porter atteinte à la marque sont également suffisamment précis pour être appliqués par un professionnel de la distribution. En revanche, la référence à des conditions de “notoriété et d'image de marque du magasin”, de “produits haut de gamme”, de “qualification professionnelle” et de “conseil et de services de vente” est trop imprécise et générale pour satisfaire à la condition d'objectivité propre à garantir une application uniforme à tous les distributeurs. La formulation implicite de l'exigence d'un espace clos, qui, selon certains fabricants, n'aurait “d'autre signification que celle d'un espace isolé ou d'un espace spécialisé ou encore d'une surface nettement individualisée et isolée” s'oppose au principe d'une sélection objective. L'obligation de posséder une enseigne et un style de magasin qui soit compatible avec l'activité de conseil manque de précision. Il en est de même de critères géographiques flous qui ne permettent pas de déterminer s'il existe une liste d'attente par zone ni si le classement sur cette liste suit réellement l'ordre de réception des candidatures. La définition de critères généraux, suivie de la locution “etc.”, sans préciser les qualités et paramètres qui seront utilisés pour apprécier la conformité des mesures prises par le distributeur, ne satisfait pas davantage à la condition d'objectivité.
Si l'exigence d'objectivité et d'application uniforme des critères signifie que le fabricant est tenu de définir des critères qualitatifs requis par la nature des produits contractuels et d'imposer les mêmes exigences lors de la mise en œuvre de la sélection qualitative sur l'ensemble du territoire et pour tous les points de vente candidats à l'agrément, l'appréciation des qualités d'un magasin ou d'un distributeur présentera toujours une part de subjectivité. Aussi est-il essentiel que le fabricant précise ses critères sur un support accessible à toute personne qui en fait la demande, comme les conditions générales de vente. Il peut également s'avérer utile de mettre en place un système objectif d'appréciation, fondé sur un système de notation et un rapport de visualisation du point de vente. Le fabricant est libre d'établir sa propre grille d'évaluation pour l'appréciation des candidatures à l'entrée dans son réseau de distribution sélective. Ces évaluations constituent des documents administratifs internes à l'entreprise qui n'ont pas à être communiqués aux candidats à l'agrément. La liberté du fabricant entraînait pour corollaire l'obligation de motiver tout refus d'agrément en faisant “connaître les motifs concrets de son refus”. Désormais, la jurisprudence la plus récente estime que l'exigence de bonne foi ne requiert, de la part de la tête d'un réseau de distribution sélective quantitative, ni la détermination et la mise en oeuvre d'un processus de sélection fondé sur des critères définis, objectivement fixés et appliqués de manière non-discriminatoire, ni la motivation de son refus d'agrément.