Hypothèses de rupture sans indemnité
Les hypothèses de rupture du contrat d'agence commerciale sans indemnité sont limitativement énumérées par la loi : la faute grave de l'agent commercial le prive de la réparation prévue à l'article L. 134-12 (C. com., art. L. 134-13, al. 1). La rupture ne peut lui être imputée pour une faute mineure.
Définition de la faute grave
La faute grave se définit comme un manquement caractérisé à une obligation du contrat qui en rend la continuation impossible. Elle peut résulter d'un ensemble de fautes de l'agent commercial ayant consisté à méconnaître ses engagements contractuels malgré les rappels de son mandant.
Exigence de la Cour de cassation
La Cour de cassation se montre très exigeante quant à la caractérisation de la faute grave privative d'indemnité. Ainsi, la simple constatation d'un cumul de manquements aux obligations de l'agent ne constitue pas une motivation suffisante pour priver l'agent de son indemnité dès lors que les juges du fond n'ont pas expliqué en quoi ils constituent une faute grave.
Appréciation de la gravité par le juge
Le juge apprécie la gravité du manquement de l'agent compte tenu de son indépendance, puisqu'à la différence du VRP, aucun ordre strict ne peut lui être donné. Toutefois, comme mandataire, l'agent doit respecter les instructions de son mandant relatives à sa politique de prix et à sa politique commerciale, ainsi que les obligations contractuelles et légales, notamment de loyauté et d'information.
Charge de la preuve
Selon une jurisprudence constante, la charge de la preuve de la faute grave de l'agent commercial privative d'indemnité pèse sur le mandant. La résiliation immédiate du contrat d'agent doit être fondée sur une faute d'une exceptionnelle gravité et non sur un manquement qui ne justifierait qu'un simple rappel à l'ordre en raison de son caractère facilement réparable et régularisable.
Conséquences de la faute non établie
S'il n'établit pas l'existence d'une faute grave, le mandant devra verser à l'agent commercial une indemnité de rupture et de préavis, dont le montant pourra être réduit en cas de manquement d'une importance mineure. Dans tous les cas, l'agent a droit à une indemnité de rupture, dès lors que la faute grave n'est pas établie, même si le mandant lui a accordé un préavis.
Preuves insuffisantes du mandant
Les simples allégations du mandant sur les fautes supposées de l'agent commercial ne suffisent pas pour établir la réalité de la faute de l'agent. Le mandant ne peut invoquer une faute grave de l'agent commercial auquel il n'a jamais, au cours de l'exécution du contrat, adressé de reproche ou de mise en garde à propos de comportements dont il avait connaissance.
Importance des courriers adressés à l'agent
Les courriers adressés à l'agent doivent avoir dénoncé la faute, lui avoir conféré un caractère essentiel et évoqué la possibilité d'une résiliation du contrat. Un mandant ne peut mettre en avant des manquements de l'agent commercial dont il connaissait l'existence depuis deux ans et qu'il a tolérés, se référer à un fait isolé dont il a eu connaissance plus de neuf mois avant l'envoi de sa lettre de résiliation, qui ne le mentionne pas, se fonder sur des fautes graves dénoncées par lettre et maintenir la relation pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.
Conséquences des comportements tolérés par le mandant
Il ne peut pas non plus fonder la rupture sur une faute grave de l'agent commercial dont il a dénoncé des dérives intolérables et exigé la cessation, pour ensuite lui remettre une récompense et renouveler son contrat, alors que les comportements se sont poursuivis.
Motifs non invoqués dans la lettre de rupture
De même, la jurisprudence considère que la résiliation du contrat d'agent commercial pour faute grave ne peut reposer sur des motifs non invoqués dans la lettre de rupture. Le mandant qui accorde un préavis de rupture à l'agent, ou lui verse spontanément une indemnité dont le montant est contesté, ne peut ultérieurement invoquer l'existence d'une faute grave.
Exécution du préavis et rémunération
Il en va de même du mandant qui dispense l'agent de l'obligation d'exécuter son préavis, tout en rémunérant celui-ci.
Le mandant doit d'abord caractériser le fait matériel et la faute de l'agent et établir ensuite le lien de causalité entre la faute et le préjudice qu'il a subi.
Revirement de jurisprudence en 2022
Le juge français a longtemps admis que le mandant pouvait se prévaloir de faits parvenus à sa connaissance après la rupture du contrat. Dès lors, des fautes graves commises par l'agent en cours de contrat, mais découvertes par le mandant postérieurement à sa résiliation, pouvaient être exclusifs de l'indemnité de rupture. Fin 2022, un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation est revenu sur ces solutions : une faute non invoquée au moment de la rupture ne peut plus priver l’agent de son droit à l’indemnité compensatrice.