Après avoir longtemps estimé que les investissements effectués par le distributeur ne pouvaient constituer une entrave à la faculté de rupture unilatérale du fournisseur et qu'il revenait au distributeur d'apprécier l'opportunité des investissements eu égard à ses capacités financières et au caractère éminemment précaire du contrat qui le lie au fournisseur, la jurisprudence a posé une distinction entre investissements exigés par le fournisseur et investissements spontanés du distributeur. Seuls les premiers sont susceptibles d'engager la responsabilité du fournisseur, pour peu que celui-ci résilie le contrat juste après les avoir imposés, et avant que le distributeur ait pu les rentabiliser. Ainsi, lorsque les investissements sont anciens ou destinés à renforcer la structure financière du distributeur, sont engagés contre le gré du fournisseur, ne sont pas propres à la marque et peuvent être réutilisés dans le cadre d'un autre contrat, la rupture est exempte d'abus.
Une résiliation est en revanche abusive, en dépit du respect du préavis contractuel, lorsque peu de temps avant la rupture, le distributeur a engagé d'importants investissements pour se mettre aux normes du réseau et que le fournisseur a exigé, supervisé et pris une part active à la réalisation des travaux ou lorsque le fournisseur est revenu sur une décision d'extension du territoire, alors que le distributeur a consenti des investissements. L'abus est également retenu lorsque de lourds investissements sont exigés par le fournisseur, laissant espérer au distributeur la poursuite du contrat.
Cependant, tout acte engagé dans l'intérêt de l'entreprise et toute demande du fournisseur ne peuvent être assimilés à des investissements. Il en va ainsi du rachat des titres d'une société concessionnaire par les nouveaux actionnaires, de l'apport en compte courant, de l'achat ou de la prise en crédit-bail d'un terrain par une société immobilière créée par les actionnaires de la société concessionnaire ou de la souscription par ces derniers d'engagements de caution personnelle. De même, l'exigence d'une caution bancaire d'un montant raisonnable, la demande de maintien d'un fonds de roulement minimum et de comptes courants bloqués, qui constituent pour le distributeur des règles de bonne gestion, ne sauraient engager la responsabilité du fournisseur.