La juridiction compétente pour trancher un litige en matière contractuelle est celle du lieu d'exécution de l'obligation servant de base à l'action judiciaire, c'est-à-dire l'obligation “correspondant au droit contractuel sur lequel se fonde l'action du demandeur”. Lorsque le demandeur fait valoir son droit au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive ou invoque la résolution du contrat aux torts de l'autre partie, l'obligation visée par l'article 7, paragraphe 1, du règlement 1215/2012 est celle découlant du contrat et dont l'inexécution est invoquée pour justifier de telles demandes. En revanche, en ce qui concerne les actions en paiement d'indemnités compensatoires, la juridiction nationale doit vérifier si, d'après le droit applicable au contrat, il s'agit d'une obligation contractuelle autonome, issue par exemple d'une loi spécifique, ou d'une obligation remplaçant l'obligation contractuelle inexécutée. Lorsque le litige porte sur plusieurs obligations qui découlent d'un même contrat et qui servent de base à l'action intentée par le demandeur, l'identification de l'obligation principale permet de centraliser la compétence judiciaire au lieu d'exécution de cette obligation. Au contraire, lorsque le litige porte sur des obligations équivalentes découlant d'un même contrat et fondant une même action, le juge saisi ne peut s'orienter, pour déterminer sa compétence, sur le principe selon lequel l'accessoire suit le principal.
La notion de lieu d'exécution de l'obligation servant de base à la demande a soulevé de nombreuses difficultés d'interprétation auxquelles le règlement a tenté de remédier, en définissant objectivement ce lieu pour les contrats de vente de marchandises et de fournitures de services qui, statistiquement, constituent l'essentiel des contrats. Toutefois, la question de la détermination du lieu d'exécution de l'obligation litigieuse demeure lorsqu'elle découle d'un autre type de contrat et que les parties n'en ont pas convenu à l'avance. La Cour de justice a posé, dans l'arrêt Tessili, la règle selon laquelle le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse, selon les règles de conflit de la juridiction saisie. Mais la jurisprudence Tessili présente l'inconvénient majeur de conduire à un morcellement du litige et un émiettement des compétences lorsqu'il existe plusieurs demandes fondées sur des obligations contractuelles distinctes. Ainsi, lorsque l'obligation de base, telle qu'un engagement de ne pas faire, sans limites géographiques, ne permet pas de fixer un lieu d'exécution unique et que la multiplicité des tribunaux compétents risque de favoriser le forum shopping du demandeur, la Cour préfère-t-elle ne pas appliquer la jurisprudence Tessili et désigner le tribunal compétent en fonction du domicile du défendeur.
En cas de vente de marchandises, le règlement attribue compétence, en vertu de l'article 7, paragraphe 1, point b), premier tiret, à la juridiction du lieu d'exécution où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées. Le lieu de livraison des marchandises, en tant que critère de rattachement autonome, a “vocation à s'appliquer à toutes les demandes fondées sur un même contrat de vente de marchandises et pas seulement à celles fondées sur l'obligation de livraison elle-même”. Lorsqu'il est impossible de déterminer le lieu de livraison des marchandises sur la base des dispositions contractuelles applicables, ce lieu est celui de la remise matérielle des marchandises par laquelle l'acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises, à la destination finale de l'opération de vente. En cas de pluralité de lieux de livraisons dans un même État membre, le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de livraison principale, qui doit correspondre à celui qui assure le lien de rattachement le plus étroit entre le contrat de vente et la juridiction compétente. Si le lieu de la livraison principale n'a pu être déterminé, le demandeur est libre de choisir le tribunal du lieu de livraison qu'il souhaite.
En cas de fourniture de services, l'article 7, paragraphe 1, point b), deuxième tiret, désigne comme juridiction compétente celle du lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis. Selon la Cour, les règles de compétence spéciale en matière de fourniture de services ne peuvent, en cas de fourniture de services en des lieux distincts, recevoir une approche différenciée de celle adoptée en cas de pluralité de lieux de livraison de marchandises, dans la mesure où elles ont la même genèse, poursuivent la même finalité et occupent la même place dans le système établi par le règlement. Par conséquent, en cas de transport aérien de personnes d'un État membre à destination d'un autre État membre, les lieux de départ et d'arrivée de l'avion doivent être considérés comme le lieu de fourniture principale des services dans la mesure où les services de transport aérien constituent, en raison de leur nature même, des services fournis de manière indivisible et unitaire. Le tribunal compétent pour connaître d'une demande d'indemnisation portant sur un contrat de transport aérien sera donc, au choix du demandeur, en plus de celui du domicile du défendeur, celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d'arrivée de l'avion. En cas de fourniture de services dans plusieurs États membres, le tribunal compétent pour connaître de toutes les demandes est le tribunal du lieu de la fourniture principale des services, déterminé sur la base des stipulations du contrat ou, à défaut, sur celle de l'exécution effective du contrat ou bien, en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, le tribunal du domicile du prestataire.