Vente forcée

 

Consommation

Définition et formes de la vente forcée

La vente forcée consiste, en règle générale, à adresser un objet à une personne qui ne l'a pas commandé en lui proposant soit de l'acquérir, soit de le renvoyer. Selon des procédés plus modernes, favorisés par le développement du commerce électronique, elle peut également se caractériser par l'ajout, subreptice, au panier de commande du consommateur, de produits ou de services qu'il n'a pas lui-même sélectionnés. De telles méthodes de vente reposent sur la passivité attendue du consommateur, voire sur son inattention.

Cadre légal et évolution réglementaire

Alors que l'application du principe de droit civil selon lequel le silence ne vaut pas consentement suffirait amplement à délier les victimes de ces pratiques de tout engagement non consenti, le législateur a éprouvé le besoin d'intervenir spécialement pour protéger les consommateurs ignorants de leurs droits. Une première prohibition a été édictée dans un décret 61-138 du 9 février 1961, aujourd'hui codifié à l'article R. 635-2 du Code pénal. La loi du 18 janvier 1992 a ultérieurement prévu des dispositions plus largement dirigées vers les consommateurs, intégrées à l'actuel article L. 121-12. Les deux textes du Code pénal et du Code de la Consommation se distinguent tant par leur champ d'application respectif que par la sévérité des sanctions qu'ils prévoient.

Vente forcée et droit de l'Union Européenne

Le droit de l'Union se montre tout aussi hostile aux pratiques de vente forcée. L'article 9 de la directive 97/7 du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance imposait en effet aux États membres de lutter contre la fourniture de biens ou de services à un consommateur sans commande préalable de celui-ci, lorsqu'elle s'accompagnait d'une demande de paiement. Par la suite, la directive 2005/29 du 11 mai 2005 a érigé en pratique commerciale agressive en toutes circonstances, le fait d'"exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation". Le législateur français a d'abord transposé ce texte, avant de considérer qu'il faisait double emploi avec la prohibition de l'actuel article L. 121-12. Il a donc préféré abroger le texte de transposition et reformuler le contenu de l'actuel article L. 121-12 afin qu'il corresponde exactement au texte européen. Enfin, la directive 2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui a abrogé la directive 97/7, a maintenu, en son article 27, la prohibition des ventes forcées. À l'article 22, la directive interdit également une pratique proche, qui consiste à obtenir des paiements supplémentaires sans le consentement exprès du consommateur en recourant à la technique des options précochées.

1° Vente forcée par correspondance (incrimination du Code pénal)

L'article R. 635-2 du Code pénal sanctionne de l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe le fait d'adresser à une personne, sans demande préalable, un objet quelconque accompagné d'une correspondance qui lui indique qu'elle peut soit accepter l'objet contre paiement du prix, soit le refuser en le renvoyant à son expéditeur. L'infraction suppose la réunion de trois éléments constitutifs : l'envoi d'un objet, l'absence de commande préalable et un courrier explicatif d'accompagnement. En revanche, contrairement au délit du Code de la Consommation, la qualité du destinataire n'est pas décisive : par sa généralité, le terme “personne” désigne tant les personnes physiques que morales.

L'objet peut revêtir différentes formes, comme le suggère l'emploi de l'expression “objet quelconque”. Il peut donc aussi bien s'agir d'un meuble corporel que de la carte d'abonnement à une revue, du bon d'adhésion à une association, ou des clauses d'un contrat. Cependant, contrairement au Code de la Consommation, l'article R. 635-2 exclut les prestations de services. L'élément matériel de l'infraction réside dans le seul envoi de l'objet dans les conditions décrites par le texte, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'exercice de l'option par le destinataire. Enfin, il n'est pas exigé que la lettre accompagne stricto sensu le colis contenant l'objet : il suffit qu'elle l'ait annoncé. L'envoi d'un courrier n'est au demeurant même pas nécessaire : les documents postaux complétés par l'expéditeur pour un envoi contre remboursement, présentés au destinataire pour lui permettre d'exercer son choix, suffisent.

En vertu du principe du cumul des peines en matière contraventionnelle, il peut être infligé autant d'amendes que d'objets envoyés. Des peines complémentaires peuvent être prononcées : interdiction pour une durée de trois ans d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds ou confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. La responsabilité pénale des personnes morales peut également être engagée dans les conditions de l'article 121-2 du Code pénal. Elles encourent une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques, ainsi que les mêmes peines complémentaires.

2° Vente ou prestation de services sans commande préalable (incrimination du Code de la Consommation)

L'article L. 121-12 du Code de la Consommation interdit aux professionnels d'exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services ou, s'agissant de biens, d'exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande préalable du consommateur. Conformément à l'annexe I de la directive 2005/29, la vente ou la prestation de services sans commande préalable constitue une pratique commerciale agressive en toutes circonstances, qui suppose que le consentement du consommateur ait été surpris.

L'infraction est constituée dès lors que sans commande préalable, un professionnel exige d'un consommateur le paiement immédiat ou différé d'un bien ou d'un service ou le renvoi ou la conservation d'un bien qu'il a fourni. Il ne peut y avoir exigence d'un paiement sans engagement exprès et préalable du consommateur. Si l'engagement doit être exprès, il n'a pas à revêtir la forme écrite. Lorsqu'un bon de commande est produit, il doit être signé de la main du consommateur et non du professionnel ou de ses agents.

À la différence de la vente forcée réprimée par le Code pénal, l'interdiction du Code de la Consommation vise tant les biens que les prestations de services. La jurisprudence estime néanmoins que des travaux qui s'inscrivent dans la suite de travaux préalablement commandés, et qui ont été rendus nécessaires par l'urgence, doivent être considérés comme ayant été commandés au sens de l'article L. 121-12. En revanche, lorsque la réalisation de travaux supplémentaires était expressément subordonnée à la présentation d'un nouveau devis, et que celui-ci fait défaut, l'infraction est constituée.

L'article L. 121-12 se distingue également de l'article R. 635-2 du Code pénal en ce que son bénéfice ne peut être revendiqué que par des consommateurs et non par des personnes qui agissent en rapport direct avec une activité professionnelle. Les consommateurs en leur qualité de patients ne peuvent pas davantage s'en prévaloir dans leurs relations avec les professionnels de santé. En principe inapplicable aux professionnels, comme les sociétés civiles immobilières, la violation de l'article L. 121-12 a néanmoins pu être invoquée avec succès en tant que support d'un acte de concurrence déloyale dans une instance entre éditeurs d'annonces funéraires.

Application pratique et cas de vente forcée en e-commerce

La pratique de vente forcée trouve une nouvelle expression dans le cadre du commerce électronique, même si elle n'est pas réservée aux hypothèses de vente à distance. Ainsi, viole l'article L. 121-12 le site marchand qui ajoute systématiquement dans le panier du consommateur des produits présélectionnés en fonction de ses achats initiaux, dès lors que les informations relatives à ces produits ne sont pas clairement affichées et laissent planer un doute sur la volonté du consommateur d'acheter ces produits.

Sanctions renforcées et conséquences légales

Jusqu'il y a peu, les violations de l'article L. 121-12 n'étaient sanctionnées que par l'obligation pour le professionnel de rembourser les sommes indûment perçues et le fait que ces dernières soient productives d'intérêts. La loi du 17 mai 2011 a introduit la sanction de la nullité du contrat conclu à la suite de la mise en oeuvre de la pratique de vente forcée. En outre, en tant que pratique commerciale agressive, l'infraction est également punie, depuis la loi de 2011, par des sanctions nettement plus dissuasives que celles encourues en vertu de l'article R. 635-2 du Code pénal, encore renforcées par l'ordonnance du 14 mars 2016 : l'article L. 132-17 nouveau du Code de la Consommation prévoit une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euro. Le montant de l'amende peut par ailleurs être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. Les personnes physiques encourent également une peine complémentaire d'interdiction d'exercer directement ou indirectement une activité commerciale pour une durée de cinq ans au plus et les personnes morales, les peines mentionnées à l'article 131-9 du Code pénal.

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