Consommation
Interdiction légale de l'abus de faiblesse ou ignorance
L'article L. 121-8 du Code de la Consommation “interdit le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte”.
Critères de vulnérabilité selon le Code pénal
Alors que ce texte ne définit pas les facteurs susceptibles de placer une personne dans un état de faiblesse ou d'ignorance, l'article 223-15-2 du Code pénal, qui réprime également ce type d'abus au plan pénal, dresse une liste limitative de ces critères : la minorité de la victime ou une particulière vulnérabilité due à son âge, une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique, un état de grossesse ou encore un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement. Si ce texte présente donc, en vertu du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, un champ d'application plus limité que celui de l'article L. 121-8, les solutions rendues sur son fondement paraissent transposables au délit du Code de la Consommation.
Appréciation de l'état de faiblesse par la jurisprudence
En règle générale, la jurisprudence considère que l'âge avancé de la personne démarchée n'est pas suffisant en lui-même pour caractériser un état de faiblesse. En effet, une personne âgée peut parfaitement être à même d'apprécier et de défendre ses intérêts, disposer d'une entière aptitude au raisonnement au jour de la vente ou ne pas souffrir d'une réelle diminution de ses facultés intellectuelles. Le fait que la personne âgée ne soit pas protégée par une mesure de tutelle ou de curatelle peut également constituer un indice de son absence d'état de faiblesse. Des circonstances extérieures peuvent également écarter la qualification d'abus de faiblesse, même s'agissant d'une personne âgée en situation de vulnérabilité. Tel est le cas lorsqu'elle a été assistée tout au long du processus contractuel par un proche, lui-même en pleine possession de ses moyens. A l'inverse, les circonstances particulières entourant l'opération peuvent justifier l'application du dispositif à une personne âgée, même en pleine possession de ses moyens intellectuels. Il en va ainsi lorsque cette personne se trouve dans un état de contrainte.
Extension de l'abus de faiblesse hors domicile
L'article L. 121-8 du Code de la Consommation ne sanctionne l'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne que lorsqu'il est commis “par le moyen de visites à domicile”. Néanmoins, l'article L. 121-9 étend le dispositif à diverses hypothèses de sollicitation du consommateur hors de son domicile. Il en va ainsi du démarchage par téléphone ou par télécopie, des engagements souscrits “à la suite d'une sollicitation personnalisée, sans que cette sollicitation soit nécessairement nominative, à se rendre sur un lieu de vente, effectuée à domicile et assortie de l'offre d'avantages particuliers”, ou “à l'occasion de réunions ou d'excursions organisées par l'auteur de l'infraction ou à son profit”, de transactions effectuées “dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé ou dans le cadre de foires ou de salons” ou conclues “dans une situation d'urgence ayant mis la victime de l'infraction dans l'impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers au contrat”.
Nécessité de circonstances spécifiques pour caractériser l'abus
Le seul fait de contracter à la suite d'un démarchage avec une personne en situation de vulnérabilité ne permet pas de caractériser le délit d'abus de faiblesse. L'article L. 121-8 exige en outre que “les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte”. Les manœuvres doivent être des “ruses ou artifices” que la personne vulnérable, du fait précisément de cet état, n'est pas en mesure de percevoir. Un défaut d'information empêchant les victimes de mesurer la portée de leur engagement relève également de l'article L. 121-8. L'abus de faiblesse peut également résulter de la contrainte, morale ou physique, à laquelle est soumise la victime par l'auteur de l'abus de faiblesse. Des visites répétées, un comportement insistant et s'accompagnant de pressions, ou le harcèlement d'un couple endetté pour lui faire souscrire un engagement relèvent de la prohibition. L'abus peut aussi consister à faire signer les victimes dans un laps de temps très court, de manière à ce qu'elles ne puissent prendre la mesure de l'engagement contracté, ou à exécuter les travaux commandés extrêmement rapidement.
Conditions de l'abus de faiblesse en termes d'engagements
Aux termes de l'article L. 121-8, l'abus de faiblesse peut consister à faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit à une personne qui n'est pas en mesure d'en apprécier la portée. L'article L. 121-10 interdit également “le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour se faire remettre, sans contreparties réelles, des sommes en numéraire ou par virement, des chèques bancaires ou postaux, des ordres de paiement par carte de paiement ou carte de crédit ou bien des valeurs mobilières, au sens de l'article 529 du Code civil”. En premier lieu, l'abus de faiblesse du Code de la Consommation suppose la souscription d'un engagement. Alors que le texte ne comporte pas une telle restriction, la jurisprudence a interprété cette condition comme visant exclusivement un achat par le consommateur et estimé que l'article L. 121-8 ne s'appliquait pas lorsque les ruses déployées par le démarcheur avaient pour objet d'inciter le consommateur à vendre un bien à un prix très inférieur à sa valeur réelle. En second lieu, la jurisprudence assimile à des “circonstances qui montrent que la victime n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait”, la souscription d'un engagement lésionnaire, exorbitant ou inutile. Alors que le Code de la Consommation n'exige pas, pour que le délit d'abus de faiblesse soit constitué, que les engagements souscrits par les victimes leur aient gravement préjudicié, le délit prévu par le Code pénal implique l'adoption d'un acte ou d'une abstention “gravement préjudiciables” à la victime.
Exigence d'intention dans la commission de l'abus de faiblesse
Comme le souligne l'article 121-3 du Code pénal, “il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre”. L'abus de faiblesse, qu'il soit sanctionné au titre du Code de la Consommation ou du Code pénal, n'échappe pas à cette règle. Ainsi, le professionnel ne doit pas avoir ignoré l'état de faiblesse de la victime.
Conséquences civiles et pénales de l'abus de faiblesse
Sur le plan civil, les juridictions ont assimilé l'abus de faiblesse au dol, et l'ont sanctionné par la nullité des contrats. La loi Hamon a consacré cette jurisprudence : “lorsqu'un contrat est conclu à la suite d'un abus de faiblesse, celui-ci est nul et de nul effet” (actuel art. L. 132-13). Sur le plan pénal, la loi Hamon du 17 mars 2014 a aligné les sanctions applicables en vertu du Code pénal et du Code de la Consommation : désormais, l'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne vulnérable prévu par le Code de la Consommation est puni d'une peine d'emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 euro, ou de l'une de ces deux peines seulement (art. L. 132-14, al. 1er). Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits (art. L. 132-14, al. 2). La loi Hamon a également étendu aux personnes morales la responsabilité pénale du délit, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du Code pénal.