Clauses abusives

 

Consommation

La répression des clauses abusives a été introduite en droit français par la loi 78-23 du 10 janvier 1978, dite loi Scrivener, pour pallier les carences de la législation civile dans le domaine de la protection des consommateurs et lutter contre les pièges des contrats d'adhésion proposés par certains professionnels. L'article 35 de la loi prévoyait ainsi que des décrets en Conseil d'État pris après avis de la Commission des clauses abusives pouvaient interdire, limiter ou réglementer, “dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs”, les clauses qui “apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif”. Les clauses en question devaient être relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions. Un seul décret, en date du 24 mars 1978, a été adopté. Il déclarait expressément abusives quatre types de clauses : i) la clause ayant pour objet ou pour effet de constater l'adhésion du non-professionnel ou consommateur à des stipulations contractuelles qui ne figurent pas sur l'écrit qu'il signe ; ii) la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; iii) la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre ; iv) la clause de garantie contractuelle qui ne mentionne pas clairement que s'applique, en tout état de cause, la garantie légale des défauts ou vices cachés de la chose vendue ou du service rendu. En vertu de ce dispositif, le juge ne pouvait en principe sanctionner que les stipulations expressément visées par le décret. Néanmoins, par un arrêt remarqué, la Cour de cassation s'est affranchie de la référence au décret et a reconnu un pouvoir autonome de caractérisation de l'abus même dans des hypothèses non prévues par le pouvoir réglementaire. La loi du 26 juillet 1993 a par la suite codifié les dispositions de l'article 35 aux articles L. 132-1 à L. 132-5 du Code de la Consommation, devenus avec la recodification de 2016 les articles L. 212-1 et suivants.

Parallèlement, le législateur de l'Union a adopté, le 5 avril 1993, la directive 93/13, qui poursuit un double objectif : protéger le consommateur et éviter toute distorsion de concurrence entre vendeurs ou entre prestataires de services à l'occasion de la commercialisation de leurs produits ou de leurs services dans d'autres États membres. En laissant aux États membres la faculté d'adopter ou de maintenir des dispositions plus strictes, ayant pour objet d'assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur, le texte ne réalise qu'une harmonisation minimale. L'article 3 de la directive retient une définition de la clause abusive différente de celle adoptée à l'époque par le droit français. Est abusive, “une clause qui figure dans un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle (...) lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties”. En annexe figure une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives. La France a transposé la directive avec la loi 95-96 du 1er février 1995, puis l'ordonnance 2001-741 du 23 août 2001.

La loi 2008-776 du 4 août 2008, dite loi LME, a, à son tour, modifié l'article L. 132-1 et abrogé la liste de clauses annexée à cet article, en confiant au pouvoir réglementaire la mission d'élaborer une nouvelle liste. Elle a par ailleurs introduit dans le Code de commerce la sanction des clauses abusives dans les rapports entre professionnels (actuel art. L. 442-1, I). Le décret 2009-302 du 18 mars 2009, pris en application de la loi LME, a défini une liste “noire” et une liste “grise” de clauses présumées abusives, respectivement de manière irréfragable ou simple, codifiées aux actuels articles R. 212-1 et R. 212-2 du Code de la Consommation.

Dans un souci de simplification et d'harmonisation des règles applicables, le Gouvernement a adopté l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016 censée “améliorer la cohérence juridique des dispositions légales, au bénéfice des utilisateurs”, qui procède à une recodification “à droit constant” du Code de la Consommation. Ce “nouveau” code est entré en vigueur le 1er juillet 2016. Toutefois, une lecture attentive du texte révèle des modifications significatives. Ainsi, l'article L. 212-1 ne mentionne plus les non-professionnels et semble s'aligner sur le droit de l'Union. En réalité, tel n'est pas le cas, puisque le nouvel article L. 212-2 déclare applicables aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels les dispositions de l'article L. 212-1. Il en va de même s'agissant des nouveaux articles R. 212-1 et R. 212-2, issus du décret 2016-884 du 29 juin 2016 : ils reprennent les dispositions des anciens articles R. 131-1 et R. 132-2 sans viser les non-professionnels, mais ceux-ci sont réintégrés dans le dispositif par l'article R. 212-5. Pour le reste, les dispositions de l'ancien article L. 132-1 subsistent mais sont ordonnées différemment.

L'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a inclus la lutte contre les clauses abusives dans le Code civil. La répression des clauses abusives concerne désormais tous les contrats d'adhésion, et pas seulement ceux conclus entre non-professionnels ou consommateurs et professionnels. L'introduction de la notion de clause abusive dans le Code civil pose la question de la coexistence des régimes existants. En effet, la création d'un déséquilibre significatif est sanctionnée par le Code de la Consommation lorsqu'il concerne un consommateur ou non-professionnel qui contracte avec un professionnel et réprimée par le Code de commerce dans les relations contractuelles entre professionnels.

Le contrôle du juge, qui ne porte que sur les clauses des contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels - à l'exception de celles relatives à la définition de l'objet principal du contrat et à l'adéquation du prix ou de la rémunération à valeur du bien vendu ou du service offert pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible - consiste à vérifier si elles “ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat”.

Ni la directive, ni l'article L. 212-1 du Code de la Consommation, ne définissent la notion de déséquilibre significatif, qui a dû être précisée par la jurisprudence. Selon la Cour de justice, pour vérifier l'existence d'un déséquilibre significatif, le juge doit se livrer à une analyse des règles nationales qui seraient applicables en l'absence d'accord entre les parties, afin d'évaluer si et dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle dans laquelle il se trouverait en application de ces règles. Un “déséquilibre significatif” peut donc résulter de restrictions que le contrat apporte au contenu des droits dont le consommateur bénéficierait en vertu du droit national, de l'entrave à leur exercice ou de la mise à sa charge d'une obligation supplémentaire non prévue par celui-ci. En droit français, la clause déséquilibrée se traduit souvent par un défaut de réciprocité - le professionnel détient une prérogative dont le consommateur ou le non-professionnel ne bénéficie pas -, une absence de contrepartie - le professionnel se réserve la faculté de modifier les conditions contractuelles, sans permettre au consommateur de résilier le contrat -, ou un caractère potestatif - le professionnel se voit conférer le droit discrétionnaire d'exécuter ses obligations.

Si la clause est jugée déséquilibrée, l'article L. 241-1 du Code de la Consommation la répute “non écrite” et prévoit que “[le] contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses”. La directive 2019/2161 du 27 novembre 2019, qui vise à garantir l'efficacité des règles protectrices des consommateurs par un renforcement du caractère dissuasif des sanctions applicables, a cependant inséré un nouvel article 8 ter au sein de la directive 93/13. Celui-ci laisse toute latitude aux États membres pour déterminer le régime des sanctions applicables, pour autant que celles-ci soient effectives, proportionnées et dissuasives. La sanction, qui pourra prendre la forme d'une amende, s'ajoute donc au mécanisme du “réputé non écrit” jusqu'alors seul applicable.

L'ordonnance 2021-1734 du 22 décembre 2021, qui transpose la directive 2019/2161, a renforcé la sanction des clauses abusives avec la prise en considération de la récidive. Désormais, une amende civile, dont le montant ne peut excéder 15 000 euro pour une personne physique et 75 000 euro pour une personne morale, pourra être prononcée à l'encontre du professionnel qui continue de recourir, dans des contrats identiques, à des clauses jugées abusives par une décision de justice devenue définitive à son égard. La victime (DGCCRF, associations de défense des consommateurs, ou consommateur lui-même) pourra l'assigner en justice sur ce motif (art. L. 241-1-1, C. consom.).

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