Consommation
Une plus grande vigilance est attendue de l'acheteur professionnel que du profane. Lorsqu'il est de même spécialité que le vendeur, les juges estiment que ses compétences professionnelles lui confèrent une meilleure appréhension de la chose. En matière de garantie des vices cachés, la qualité d’acheteur professionnel emporte deux conséquences : l’une sur la notion d’apparence du vice, l’autre sur l’opposabilité des clauses de non-garantie.
S’agissant de l’apparence du vice, le degré de diligence attendu de lui se trouve, dans ce cas, renforcé : il est tenu de procéder à une inspection plus minutieuse de la chose que celle exigée du profane. L'acheteur de même spécialité que son vendeur est dès lors présumé connaître les vices affectant la chose. Toutefois, la présomption n'est pas, contrairement à celle qui pèse sur le vendeur professionnel, irréfragable. En effet, le vendeur est bien plus à même de connaître la chose qu'il a détenue, voire manipulée pendant un certain temps, que l'acheteur, qui ne dispose que d'un temps limité pour procéder à son examen avant l'achat. La probabilité que ce dernier ait découvert le vice au moment de l'achat est donc moins importante. Aussi le juge doit-il vérifier concrètement si l'acheteur était en mesure de déceler le vice au moment de la vente et s'il a procédé à un examen normal et diligent de la chose, proportionné à ses compétences techniques. Le vice présente un caractère indécelable lorsque seuls des examens très approfondis, auxquels l'acheteur n'est pas tenu, lui auraient permis de le découvrir au moment de la vente. Il en va ainsi lorsque la révélation du vice nécessiterait un démontage du matériel ou un usage prolongé de la chose. En effet, le juge ne peut attendre d'un acheteur qu'il procède à des manipulations qui ne sont pas d'usage. Comme le caractère indécelable du vice, le dol du vendeur fait tomber la présomption de connaissance du vice pesant sur l'acheteur de même spécialité.
En ce qui concerne les clauses de non-garantie, l'article 1643 du Code civil, le vendeur “est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie”. Le Code civil reconnaît ainsi au dispositif légal un caractère supplétif et valide les clauses de non-garantie des vices cachés, dont il réserve, cependant, l'opposabilité au cas où le vendeur ne connaissait pas l'existence du vice. Or, les juges considèrent que l'acheteur qui exerce dans la même spécialité que son vendeur est présumé avoir décelé les vices de la chose. Par conséquent, les clauses de non-garantie ou limitant la garantie des vices cachés lui sont opposables. La qualification d'"acheteur de même spécialité" est retenue, par exemple, lorsqu'un boulanger acquiert son fonds de commerce d'un autre boulanger, ou qu'un garagiste achète un véhicule à un autre garagiste ou encore lorsque les parties ont déjà été en relation et jouent alternativement le rôle de sous-traitant et d'entrepreneur dans le cadre de marchés publics. La présomption n'est toutefois pas irréfragable, contrairement à celle qui pèse sur le vendeur professionnel, mais peut être renversée. Ainsi, la présomption de connaissance du vice tombe lorsque l'acheteur de même spécialité que son vendeur se trouve face à un vice indécelable ou lorsqu'il est établi que le vendeur était de mauvaise foi au moment de la vente et a dissimulé l'existence du vice.