L’objectif : protéger les passagers contre une diminution de l’offre et une hausse des prix, tout en garantissant un accès équitable aux concurrents de Lufthansa, notamment la compagnie aérienne Condor.
L'accès au trafic d'apport comme point fondamental
Au cœur de l’affaire se trouve une question essentielle : l’accès au trafic d'apport. Ce mécanisme permet aux compagnies aériennes d’utiliser des vols court-courriers pour amener des passagers à un hub (Francfort en l'occurrence), où ils embarquent ensuite sur des vols long-courriers comme Francfort-New York.
Pour la plupart, les vols court-courrier servent à alimenter le réseau long-courrier en passagers. Condor, une compagnie aérienne allemande plus petite que Lufthansa, dépendait d’accords avec Lufthansa pour accéder à ce réseau.
Les principaux types d'accords couvrant la fourniture de trafic d'apport sont les suivants :
- accords interlignes standard IATA ;
- accords spéciaux relatifs à un système de quotes-parts ;
- accords de partage de codes d'identification et
- appartenance à une alliance.
Lufthansa a annoncé en 2020 à Condor la résiliation des accords spéciaux conclus ensemble, compliquant la tâche de l'entreprise pour remplir ses avions sur cette liaison transatlantique. Malgré des arrangements temporaires, ces dispositifs ont cessé en décembre 2024, menaçant la capacité de Condor à opérer durablement sur cette route.
Une restriction de concurrence
La Commission européenne s’inquiète que ces actions de Lufthansa, combinées avec les pratiques de l’entreprise commune transatlantique A++, composée de Lufthansa, United Airlines et Air Canada, ne portent un coup fatal à la concurrence sur la liaison Francfort-New York.
Depuis 2013, ces trois compagnies coordonnent leurs horaires, tarifs et capacités via cette entreprise commune, ce qui limite les possibilités pour des acteurs comme Condor de rivaliser efficacement. Lufthansa avait par ailleurs proposé d’acquérir une participation dans ITA Airways, afin de renforcer ses parts sur le marché.
La Commission avait autorisé, sous conditions, le projet d'acquisition susmentionné. Ces conditions visent à répondre aux trois points abordés par la Commission à la suite de son enquête approfondie.
En 2021, Condor a commencé à se positionner comme un concurrent viable sur cette liaison. Mais sans accès au trafic d'apport, la compagnie pourrait être contrainte de se retirer, laissant Lufthansa et ses partenaires renforcer leur domination.
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La communication des griefs de la Commission
Aux termes de l'article 10 du règlement 773/2004, la Commission informe, par écrit, les parties en cause des griefs retenus contre elles.
La communication des griefs constitue un acte préparatoire obligatoire avant toute décision finale. Elle fixe la position de la Commission et indique les textes en application desquels elle statue. Les griefs sont communiqués à toutes les entreprises dont les intérêts sont affectés de manière sensible par la décision de la Commission.
En l'espèce, la Commission estime que Lufthansa doit rétablir les accords de trafic d'apport conclus avec Condor en juin 2024. Ce retour en arrière permettrait à Condor de continuer à offrir ses services sur Francfort-New York, préservant ainsi un minimum de concurrence sur cette liaison.
Dans sa communication des griefs complémentaire, la Commission conclut également que les pratiques de Lufthansa et de l’entreprise commune A++ restreignent la concurrence de manière significative.
En l’absence de mesures correctives, la structure de la concurrence pourrait subir des dommages graves et irréparables, au détriment des consommateurs.
Des enjeux pour les passagers
Le retrait de Condor de la liaison Francfort-New York pourrait avoir des conséquences significatives pour les consommateurs :
- Augmentation des prix : Une domination accrue de Lufthansa et de ses partenaires pourrait entraîner une hausse des tarifs.
- Choix limités : La disparition d’un concurrent limiterait les options pour les voyageurs, notamment pour les passagers d’affaires et les touristes.
Pour éviter ce scénario, la Commission européenne mise sur des mesures provisoires pour rétablir un certain équilibre.