Consommation
Aux termes de l'article 8 de la directive 2005/29 du 11 mai 2005, une pratique commerciale est réputée agressive si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière significative la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée. Le plus souvent, de telles pratiques sont mises en oeuvre à l'occasion d'un démarchage à domicile ou d'autres ventes en dehors des établissements commerciaux.
L'article 9 détermine les éléments à retenir pour apprécier l'existence d'une pratique commerciale agressive, à savoir :
- le moment et l'endroit où la pratique est mise en oeuvre, sa nature et sa persistance ;
- le recours à la menace physique ou verbale ;
- l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer sa décision à l'égard du produit ;
- tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;
- toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.
Comme pour les pratiques commerciales trompeuses, l'annexe I de la directive détaille une liste de pratiques commerciales agressives per se. Parmi celles-ci, figure, au point 29, la fourniture non demandée d'un produit ou d'un service, pratique qui se trouve constituée, selon la Cour, lorsqu'un opérateur de télécommunications commercialise des cartes SIM sur lesquelles il a préinstallé et pré-activé certains services sans avoir préalablement et de manière adéquate informé le consommateur du contenu et des coûts de ces services.
Les articles 8 et 9 de la directive ont été transposés par les lois du 3 janvier et du 4 août 2008, puis celle du 17 mai 2011 et figurent aux actuels articles L. 121-6, L. 121-7 et L. 132-10 à L. 132-12 du Code de la Consommation. Comme le souligne la note de service de la DGCCRF du 29 janvier 2009, l'infraction se définit par ses moyens et ses effets.
Selon la jurisprudence nationale, la mise en oeuvre d'une pratique commerciale agressive implique l'exercice de pressions sur le consommateur, sans que celles-ci l'aient nécessairement conduit à acheter ou passer commande auprès du professionnel. Le délit se distingue de l'abus de faiblesse prévu à l'article L. 121-8 du Code de la Consommation dans la mesure où, contrairement à ce qu'exige ce dernier, les pressions n'ont pas à être exercées sur des personnes vulnérables, en état de faiblesse ou d'ignorance. Elles peuvent prendre la forme de sollicitations téléphoniques, de visites à domicile, de messages électroniques, de courriers ou de l'intervention successive dans un magasin de plusieurs vendeurs pour arracher la vente. Selon l'Administration, il doit s'agir de sollicitations personnalisées, mises en oeuvre individuellement à l'encontre d'un ou plusieurs consommateurs. En revanche, le simple harcèlement publicitaire ne constituerait pas, de l'avis de la DGCCRF, une réelle pression sur le futur client et ne pourrait caractériser une pratique agressive au sens de l'article L. 121-6. Tel n'a pas été l'avis de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a estimé que l'envoi de cinquante courriers en cinq mois, invitant le consommateur à participer à deux jeux publicitaires et lui proposant de passer commande, constituait une pratique commerciale agressive par son caractère excessivement répété et insistant. S'agissant de la contrainte physique, la note de service donne l'exemple des méthodes de vente qui consistent à faire durer le processus de négociation du prix ou des conditions de la vente pendant plusieurs heures et à “retenir” le client en magasin jusqu'à ce qu'il contracte. La contrainte morale peut se manifester par le chantage, l'utilisation de la peur ou la crainte du client, l'intimidation, la menace, l'exploitation de certaines circonstances. Selon les premières décisions rendues sur le fondement du texte, le fait d'avoir à souscrire un abonnement Internet auprès d'un opérateur déterminé afin de pouvoir accéder à des contenus audiovisuels spécialisés, ne constitue pas une contrainte répréhensible. L'article L. 121-6, complété par la loi du 4 août 2008, comporte une liste de critères qui permettent au juge d'apprécier l'exercice d'une contrainte. Peuvent ainsi être pris en considération : le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ; le recours à la menace physique ou verbale ; l'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer sa décision à l'égard du produit ; tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ; ou toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.
Les contraintes émises par les organismes de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations ou contributions qui concourent au financement des régimes sociaux relèvent-elles de ces dispositions ? Un arrêt de la Cour de justice a jeté le doute sur la question. Dans cette décision, le juge de l'Union a en effet estimé qu'un organisme chargé de la gestion d'un régime légal d'assurance maladie relevait du champ d'application personnel de la directive 2005/29, sans que sa nature publique ou privée ou le fait qu'il poursuive une mission d'intérêt général puisse entrer en ligne de compte, et en a conclu que ses affiliés devaient, comme tout consommateur, être protégés contre les informations trompeuses diffusées par un tel organisme. Prenant appui sur cet arrêt et sur le double sens du terme “contrainte”, de nombreux redevables tentent régulièrement, mais sans succès, d'obtenir la remise en cause des contraintes émises par les caisses de sécurité sociale, l'URSSAF ou le RSI en les qualifiant de pratiques commerciales agressives au sens de l'article L. 121-6 du Code de la Consommation.
Alors que les deux premiers effets de la pratique - l'altération significative du choix du consommateur et le vice de son consentement - peuvent n'être que potentiels, comme le montre le recours à l'expression “ou est de nature à”, le troisième - l'entrave à ses droits contractuels - doit être avéré, en l'absence de précision. Selon la jurisprudence, constitue ainsi une pratique commerciale agressive le fait de dépêcher chez les consommateurs des démarcheurs qui se font passer pour des agents EDF, afin d'obtenir les informations nécessaires pour effectuer un changement du point de livraison de l'électricité, signer de fausses demandes de changement d'opérateur, résilier les contrats EDF et les facturer sans leur accord. Dans sa note de service, la DGCCRF précise que l'entrave aux droits contractuels devra être démontrée à partir d'éléments matériels tels que des courriers, des exigences du professionnel compliquant ou interdisant l'exercice de ses droits par le consommateur, etc. Dès lors que le consommateur a fait l'objet de pressions, tous comportements ayant pour objet d'accélérer le processus de la vente alors qu'il bénéficie normalement d'un délai de réflexion, pourront être qualifiées de pratiques commerciales agressives.
Contrairement aux pratiques commerciales trompeuses, les pratiques agressives peuvent faire l'objet tant de sanctions pénales que civiles. L'article L. 132-11 du Code de la Consommation punit d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euro au plus le fait de mettre en oeuvre une pratique commerciale agressive. Ce montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. En vertu de l'article L. 132-12, les personnes morales encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du Code pénal (soit, 1,5 million d'euro), les peines prévues aux 2° à 9° de l'article 131-39 du même code. Comme le souligne la note de service de la DGCCRF, la transaction pénale n'est pas prévue pour les pratiques commerciales agressives. Enfin, l'article L. 132-10 du Code de la Consommation prévoit la nullité du contrat éventuellement conclu à la suite d'une pratique commerciale agressive, qui peut s'étendre, selon la jurisprudence, au contrat de crédit qui s'y rapporte. Selon la Chambre criminelle, le juge répressif peut même, après avoir caractérisé les pratiques commerciales agressives, ordonner, non pas la restitution des sommes versées en vertu d'un contrat nul de plein droit, mais le paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis.