Consommation
Réglementation et sanctions relatives à la vente subordonnée en France
Définition et cadre légal de la vente subordonnée
La vente subordonnée ou liée, aussi dénommée vente couplée, groupée ou jumelée, consiste à imposer soit l'achat d'une quantité minimale, soit l'achat par lots d'un même produit ou de produits différents, soit l'achat d'un produit ou d'un service concomitant (par exemple extension de garantie obligatoire). L'article L. 121-11, alinéa 2 (ancien art. L. 122-1), du Code de la Consommation interdit “de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit, dès lors que cette pratique constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 121-1” (ancien art. L. 120-1) du même code. Autrement dit, pour que la vente liée soit interdite, il doit au préalable être établi qu'elle est “contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service”.
Évolution législative et interprétation jurisprudentielle
Auparavant, le droit français prévoyait une interdiction générale des ventes ou prestations de services subordonnées. Dans la mesure où la directive 2005/29 du 11 mai 2005 ne considère pas les ventes liées comme des pratiques commerciales déloyales par nature, le législateur français a conservé l'interdiction des ventes subordonnées tout en la soumettant à la condition de déloyauté. Contrairement aux ventes avec prime qui faisaient l'objet d'une interdiction per se et d'exceptions appliquées strictement, les juges interprètent largement et au cas par cas la prohibition des ventes ou prestations de services subordonnées qu'ils ont assortie d'exceptions : certaines ventes en quantité imposée de produits identiques sous un même emballage, telle que la vente d'oeufs, de yaourts, de bonbons, de jambon prédécoupé, sont, aux yeux du juge, justifiées ; les juges valident également la vente groupée de produits ou services complémentaires. Selon la Cour de justice, la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en soi, une pratique commerciale déloyale, l'absence d'indication du prix de chacun de ces logiciels ne caractérisant pas non plus une pratique commerciale trompeuse. Consacrant cette solution, la Cour de cassation retient que la directive 2005/29 fait obligation au professionnel d'indiquer au consommateur le seul prix global du produit concerné, et non le prix de chacun de ses éléments.
Approche judiciaire des ventes liées
Pour valider les ventes liées, les juges du fond se fondent sur deux corps de règles : en application des prescriptions du Code civil relatives au contrat de vente, ils admettent la licéité des ventes liées dès lors qu'il existe un accord sur la chose et le prix entre le vendeur et le consommateur et que ce dernier bénéficie d'une liberté de choix, les contrats valablement formés étant revêtus de la force obligatoire. L''intérêt du consommateur est aussi parfois pris en considération. Mais le plus souvent, les juges préfèrent s'appuyer, plus ou moins implicitement, sur l'obligation d'information du Code de la Consommation, qui requiert que “tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services” mette “avant la conclusion du contrat (...) le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service”, ou sur l'article 7 de la directive 2005/29, qui définit les omissions trompeuses et détaille les informations substantielles que le professionnel doit au consommateur.
Sanctions pénales et civiles pour ventes liées illicites
Les ventes liées illicites sont réprimées pénalement en tant que telles à l'article R. 132-2 du Code de la Consommation, ainsi qu'au titre des pratiques commerciales trompeuses (art. L. 132-2, ancien art. L. 121-6) ou agressives (art. L. 132-11, ancien art. L. 122-12). L'infraction de ventes ou de prestations de services subordonnées constitue une infraction de la 5e classe (art. R. 132-2, C. consom). L'amende encourue est de 1 500 euro par infraction. Elle est doublée en cas de récidive (art. 131-11 et 132-15, C. pén.). Les ventes subordonnées font aussi partie intégrante des pratiques restrictives de concurrence (art. L. 442-1 C. com.). Enfin, indépendamment des sanctions pénales, tout consommateur, victime d'une vente subordonnée, peut agir au civil pour obtenir réparation du préjudice que lui a causé cette infraction.