Définition et fondement légal de la garantie des vices cachés
Le régime de la garantie des vices cachés est encadré par l'article 1641 du Code civil qui dispose : “ Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus”.
Champ d’application de la garantie des vices cachés
La jurisprudence a précisé le champ d'application de ces dispositions en relevant que les articles 1641 et suivants du Code civil ne s'appliquent pas entre les parties lorsqu'elles sont liées par un contrat d'entreprise. Ainsi, doit être exclu du champ d'application de l'article 1648 du Code civil le contrat par lequel une entreprise confie à une autre la conception et la réalisation d'un lot du marché de travaux dont elle est attributaire, dès lors qu'il ne constitue pas un contrat de vente, mais un contrat d'entreprise. Dans leurs rapports directs, l'action en garantie des vices cachés n'est donc pas ouverte au maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur, qui ne peut dès lors solliciter la résolution du contrat d'entreprise sur ce fondement. De même, le sous-traitant, qui n'a pas la qualité de fournisseur, n'est pas tenu à la garantie des vices cachés, mais peut, en l'absence de contrat le liant au maître d'ouvrage, engager sa responsabilité délictuelle pour faute prouvée.
Action directe en garantie des vices cachés : droits du maître d'ouvrage
Toutefois, la Cour de cassation, statuant en Assemblée plénière, a, par un arrêt du 7 décembre 1986, posé le principe que le maître de l’ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartient à son auteur. Le sous-acquéreur pouvant agir directement en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire, le maître d'ouvrage est également admis à agir directement en garantie des vices cachés à l'encontre du fabricant ou du vendeur auprès duquel s'est fourni l'entrepreneur.
Action récursoire en garantie pour l’entrepreneur
L'entrepreneur, quant à lui, même s'il n'est pas débiteur de la garantie des vices cachés à l'égard du maître de l'ouvrage, peut actionner à titre récursoire le fabricant ou le fournisseur des produits qu'il a installés ou utilisés, dès lors qu'il a lui-même été assigné en responsabilité par le maître d'ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité. Le constructeur, qui a été déclaré responsable au titre de l'article 1792 du Code civil, mais n'est pas subrogé après paiement dans le bénéfice de cette action réservée au maître d'ouvrage et propriétaires successifs de la chose, dispose ainsi d'une action récursoire en garantie des vices cachés contre le fournisseur de la chose viciée.
Délais de prescription de l'action en garantie des vices cachés
Sur le plan procédural, l'article 1648, alinéa 1er, du Code civil dispose que l'action rédhibitoire doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Mais selon la jurisprudence, ce délai doit s'articuler avec le délai de prescription de droit commun ou “délai butoir”, qui correspondait au délai de prescription de droit commun d'une durée de trente ans dans les contrats de vente civile (anc. art. 2262 C. civ.) et de dix ans, dans les contrats de vente commerciale ou mixte (art. L. 110-4, I, C.com.), avant que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription n'aligne la durée de ces deux délais en les portant à cinq ans. La réforme ayant en outre introduit l'article 2232 nouveau du Code civil qui prévoit que “Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter de la naissance du droit”, les juges se sont interrogés sur le délai butoir à retenir : doit-il s'agir du délai quinquennal des articles 2224 du Code civil et L. 110-4, I, du Code de commerce ou du délai de vingt ans de l'article 2232 ?
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que l'action récursoire en garantie des vices cachés exercée par l'entrepreneur contre son vendeur et/ou le fabricant de la chose devait être déclarée prescrite lorsqu'elle était exercée plus de cinq ans après la vente et la livraison initiale, tandis que la troisième Chambre civile estimait, pour les ventes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 que le point de départ du délai imparti à l'entrepreneur par l'article 1648 du Code civil devait être fixé à la date de sa propre assignation, le délai de l'article L. 110-4 du Code de commerce étant suspendu jusqu'à ce que la responsabilité de l'entrepreneur ait été recherchée par le maître de l'ouvrage. Pour les ventes conclues après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la troisième chambre civile estimait en revanche que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne pouvait être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit.
Jurisprudence unifiée sur les délais de l'action en garantie
Par quatre arrêts rendus en Chambre mixte du 21 juillet 2023, la Cour de cassation a unifié la jurisprudence de ces chambres, en consacrant le délai butoir de 20 ans prévu à l'article 2232, qu’il s’agisse d’une vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats, et quelle que soit la nature du bien. Autrement dit, l'action en garantie des vices cachés doit être formée un délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. La Chambre mixte de la Cour de cassation a également énoncé que le délai biennal de l'article 1648, alinéa 1, du Code civil - qu'elle a qualifié de délai de prescription, et non de forclusion, lorsqu'il est interrompu par une assignation en référé conformément à l'article 2241, est en outre suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239, étant entendu que le délai recommence alors à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.