Définition de la déspécialisation
Le preneur, qui souhaite ajouter une activité ou changer d'activité, doit obtenir l'autorisation du bailleur aux termes de la procédure de déspécialisation plénière ou partielle.
La déspécialisation plénière
La déspécialisation plénière permet au locataire de demander l'autorisation d'exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ou de l'ensemble immobilier (art. L. 145-48 et s. C. com.). Ces conditions sont cumulatives. Elle entraîne pour le preneur un véritable changement d’activité, une transformation de son fonds de commerce.
Procédure et obligations pour la déspécialisation plénière
Le preneur, qui envisage l’exercice d’une nouvelle activité, doit en faire la demande, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au bailleur. Celle-ci doit, à peine de nullité, comporter l'indication des activités dont l'exercice est envisagé. Le locataire ne peut se contenter d’utiliser une formule générale pour décrire les activités projetées.
Réponse du bailleur et recours au tribunal
Le bailleur doit, dans les trois mois de la demande de déspécialisation, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, notifier son refus, son acceptation ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord. A défaut d’une telle notification, il est réputé avoir acquiescé à la demande. En cas de refus, le tribunal judiciaire peut toutefois autoriser la transformation totale ou partielle si ce refus n'est pas justifié par un motif grave et légitime, tel que des nuisances ou troubles du voisinage ou la volonté de reprendre les locaux pour travaux. Le preneur peut également saisir le tribunal judiciaire aux fins de voir autoriser, sinon totalement, du moins partiellement la déspécialisation de son activité.
Conséquences financières de la déspécialisation plénière
Le changement d’activité peut justifier le paiement par le locataire d'une indemnité égale au montant du préjudice que le bailleur estime subir du fait de la déspécialisation. Celui-ci peut aussi en contrepartie de l’avantage procuré, demander au moment de la déspécialisation, la modification du prix du bail.
La déspécialisation partielle
La déspécialisation partielle se caractérise par l’adjonction, à l’activité telle que prévue par le bail, d’activités connexes ou complémentaires (art. L. 145-47).
Définition des activités connexes et complémentaires
L’activité connexe s'entend de celle qui présente une similitude, une analogie ou un lien de dépendance des produits en cause ou des méthodes de fabrication. L’activité complémentaire, qui a un caractère accessoire, consiste en une activité qui, sans être en rapport intime avec l’activité autorisée au bail, en est le complément susceptible de favoriser son développement sans en modifier la nature, c’est-à-dire le prolongement raisonnable permettant au preneur un meilleur exercice de l’activité principale afin de mieux se défendre contre la concurrence et de suivre non seulement l’évolution technique mais également celle des usages commerciaux et des attentes de la clientèle.
Procédure pour la déspécialisation partielle
Le preneur, qui souhaite adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires, doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé.
Opposition du bailleur et recours
Cette notification vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. Le bailleur n’est pas tenu d’exprimer son opposition sous une forme particulière ni de préciser les motifs qui l'ont déterminé, mais sa réponse doit être non équivoque. En cas de contestation par le bailleur du caractère connexe ou complémentaire de l'activité, le tribunal judiciaire peut être saisi par la partie la plus diligente.
Conséquences en cas de non-respect de la procédure
Toute extension de la destination des lieux sans autorisation préalable du bailleur ou, à défaut, du tribunal judiciaire, constitue un manquement grave qui peut être sanctionné par la résiliation ou par le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, ainsi que par le versement de dommages-intérêts.
Prise en compte de la déspécialisation dans la fixation du loyer
Lors de la première révision triennale suivant la notification au bailleur ou la fixation du prix du bail renouvelé, il peut être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués, dont la preuve doit être apportée par le bailleur.
Exclusivités et clauses de non-concurrence
Enfin, une exclusivité accordée à un autre locataire dans le même immeuble ne peut faire échec à la déspécialisation partielle et ne permet au bailleur que de contester le caractère extensif ou complémentaire de l’activité envisagée par le preneur. Le refus du bailleur opposé à la demande de déspécialisation ne peut pas non plus être fondé sur une clause de non-concurrence figurant au bail commercial.
Activités incluses dans la destination contractuelle
Le preneur, qui ne peut exercer dans les lieux loués que les activités énumérées dans le bail commercial, peut toutefois exercer certaines activités qui, sans être expressément visées par le bail, sont incluses dans la destination contractuelle dès lors qu'elles se rattachent naturellement à l’activité initiale et à son évolution en fonction des usages ou pratiques commerciales. L’adjonction d’une activité incluse échappe à la procédure de déspécialisation partielle et ne peut donner lieu à déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail.