Droit européen des affaires
Adoptée par le Conseil pour éliminer les obstacles aux échanges de services et permettre le développement des opérations transfrontalières, la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite directive Services, consacre une harmonisation horizontale en matière de liberté d'établissement des prestataires et de libre circulation des services dans les États membres et constitue le premier texte contraignant de portée générale applicable dans ce domaine. La directive Services ne se substitue pas aux textes européens existants, mais les complète : elle n'abroge pas les directives sectorielles applicables dans des domaines ou pour des professions spécifiques.
Les notions d'"établissement", de “service”, de “prestataire” ou de “destinataire” sont fixées à l'article 4 de la directive, qui soumet au même régime l'accès ou la fourniture d'une activité de services ou son exercice sur le territoire de l'État membre, mais distingue clairement l'établissement de la prestation de services transfrontaliers. La notion de “services” comprend “toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération” visée à l'article 57 TFUE, sachant que le texte ne couvre ni les services d'intérêt général non économiques, ni les domaines régis par un texte européen relatif aux aspects de l'accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs ou pour des professions spécifiques. Toutefois, selon la Cour, le caractère pénal d'une réglementation ne saurait la soustraire à l'application de la directive 2006/123, dès lors que celle-ci affecte l'accès et l'exercice d'une activité de service. L'établissement est défini comme “l'exercice effectif d'une activité économique visée à l'article 49 TFUE par le prestataire pour une durée indéterminée et au moyen d'une infrastructure stable à partir de laquelle la fourniture de services est réellement assurée”. Constituent un “prestataire” toute personne physique ressortissante d'un État membre, ou toute personne morale visée à l'article 54 du Traité et établie dans un État membre qui offre ou fournit un service et un "destinataire "toute personne physique ressortissante d'un État membre ou qui bénéficie de droits qui lui sont conférés par des actes européens, ou toute personne morale visée à l'article 54 du Traité et établie dans un État membre, qui, à des fins professionnelles ou non, utilise ou souhaite utiliser un service.
La directive, qui ne s'applique qu'aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre, a pour objectif de simplifier les modalités d'établissement d'une entreprise dans un État membre - chaque État membre devant mettre en place un guichet unique pour permettre aux prestataires d'accomplir les formalités nécessaires à l'accès aux activités de services ainsi qu'à un certain nombre d'informations -, supprimer les barrières discriminatoires, moderniser le cadre juridique et administratif, notamment par le recours aux technologies de l'information et systématiser la coopération administrative entre les administrations des États membres.
La directive permet aux États membres de subordonner à autorisation l'accès à une activité et son exercice sur l'ensemble de leur territoire national, à condition que ce régime d'autorisation soit non discriminatoire, nécessaire, c'est-à-dire justifié par une raison impérieuse d'intérêt général, et proportionné à l'objectif poursuivi. Les critères de sélection doivent en outre, être clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l'avance, transparents et accessibles. Les conditions d'octroi ne doivent pas faire double emploi avec celles auxquelles le prestataire est déjà soumis dans un autre État membre ou dans le même État. L'autorisation est donnée pour une durée illimitée, sauf si une raison impérieuse justifie d'en limiter la durée. Tout refus ou retrait de l'autorisation doit être motivé. La procédure d'autorisation ne doit pas être dissuasive, ni retarder ou compliquer la prestation de services : la directive Services s'oppose à l'exigence du paiement, au moment de l'introduction d'une demande d'octroi ou de renouvellement d'autorisation, d'une redevance dont une partie correspond aux coûts liés à la gestion et à la police du régime d'autorisation concerné, même si cette partie est récupérable en cas de rejet de la demande. Il n'est pas possible non plus de prévoir la présence au sein d'une instance collégiale compétente, pour émettre un avis sur l'octroi d'une autorisation d'exploitation commerciale, de personnalités qualifiées à la désignation desquelles les concurrents actuels ou potentiels du demandeur ont participé.
Par ailleurs, les États membres ne doivent pas subordonner l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect d'obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou découlant de la jurisprudence ou des règles d'ordres ou associations professionnels (art. 4, paragr. 7).
L'article 14 prohibe, en matière d'établissement, une série d'exigences interdites per se, en raison de leur caractère discriminatoire ou particulièrement contraignant, telles que l'exigence de nationalité ou de résidence pour le prestataire, son personnel, les personnes détenant son capital social ou les membres de ses organes de gestion ou de surveillance (art. 14, paragr. 1), l'interdiction d'avoir un établissement dans plus d'un État membre ou d'être inscrit dans les registres ou dans les ordres ou les associations professionnels de plus d'un État membre (art. 14, paragr. 2), la limitation de la liberté du prestataire de choisir entre un établissement à titre principal ou à titre secondaire (art. 14, paragr. 3), ou encore l'obligation d'avoir été préalablement immatriculé ou d'avoir exercé précédemment l'activité pendant une période donnée dans le même État membre (art. 14, paragr. 8). Il interdit de subordonner l'accès à une activité de services ou son exercice à l'intervention directe ou indirecte d'opérateurs concurrents, y compris au sein d'organes consultatifs, pour l'octroi d'autorisations ou l'adoption d'autres décisions des autorités compétentes, à l'exception des ordres et associations professionnels ou autres organisations qui agissent en tant qu'autorités compétentes (art. 14, pt. 6).
L'article 15 dresse dans un premier temps, une liste d'exigences non discriminatoires, indistinctement applicables, qui peuvent constituer un obstacle sérieux au libre établissement telle que l'obligation pour le prestataire, d'être constitué sous une forme juridique particulière (art. 15, paragr. 2, b)), de disposer d'un nombre minimum de salariés (art. 15, paragr. 2, f)), de respecter certains tarifs obligatoires minimum et/ou maximum (art. 15, paragr. 2, g)) etc. Le texte dispose ensuite que si les États membres constatent la présence dans leur système juridique de telles exigences, qualifiées d'exigences à évaluer, ils doivent veiller à ce que ces restrictions soient non discriminatoires, nécessaires et proportionnées pour être admises, et si tel n'est pas le cas, les remplacer par des mesures moins contraignantes. L'État membre établit un rapport d'évaluation qui indique les exigences qu'il envisage de maintenir et les raisons fondant leur compatibilité, ainsi que les exigences supprimées ou allégées. Les exigences nouvelles sont notifiées à la Commission, qui dispose d'un délai de trois mois pour examiner la compatibilité de ces dispositions avec le droit européen et prend, le cas échéant, une décision pour demander à l'État membre concerné de s'abstenir de les adopter, ou de les supprimer.
En vertu de l'article 16, paragraphe 2, de la directive, sont également prohibées les exigences contraires au principe de libre prestation de services, telles que l'obligation pour le prestataire d'avoir un établissement sur le territoire où la prestation est fournie ou l'interdiction de se doter d'une certaine forme ou d'un certain type d'infrastructure, etc., qui ne sont pas justifiées par les raisons énumérées aux paragraphes 1er et 3 de ce texte : le paragraphe 1er prévoit que la restriction doit, pour être admise, être appliquée de manière non discriminatoire, nécessaire à la protection de l'intérêt général et non disproportionnée par rapport à l'objectif visé et le paragraphe 3 laisse la possibilité aux États membres d'imposer des exigences concernant la prestation de l'activité de service lorsque ces exigences sont fondées sur des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement.
La liberté de prestation de services supporte des dérogations supplémentaires qui concernent notamment les services d'intérêt économique général, tels que le secteur postal, de l'électricité ou du gaz, ou les exigences en vigueur dans l'État de fourniture du service réservant une activité à une profession particulière, auxquels l'article 16 ne s'applique pas (art. 17), ou les mesures individuelles relatives à la sécurité des services justifiées par des circonstances exceptionnelles (art. 18).
Enfin, l'article 19 - qui complète l'article 16 sous l'angle des destinataires -, prévoit que les États membres ne peuvent pas imposer au destinataire des exigences qui restreignent l'utilisation d'un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un autre État membre, telle que l'imposition de limites discriminatoires à l'octroi d'aides financières au motif que le prestataire est établi dans un autre État membre ou à raison de l'emplacement du lieu où le service est fourni.