Droit européen des affaires
Multipliant les interventions, le législateur européen s'est donné pour objectif, d'abord par l'intermédiaire de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, née de la volonté des six États membres originaires, d'unifier les règles de conflit de juridictions au sein de l'Europe et d'assurer la libre circulation des jugements entre États contractants, un corps de règles visant à la fois à éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles et à renforcer la sécurité juridique dans l'espace judiciaire européen. Entré en vigueur le 10 janvier 2013, le règlement 1215/2012, dit Bruxelles I bis, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, est applicable depuis le 10 janvier 2015 aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter de cette date. Toutes les décisions rendues à compter de l'entrée en vigueur du nouveau règlement ainsi que les rapports juridiques nés antérieurement, pour autant que l'action juridictionnelle ait été introduite postérieurement à cette date, relèvent donc de son champ d'application. Le règlement est applicable aux territoires nationaux de tous les États membres, y compris au Danemark - seul État membre non lié par le règlement dès l'origine, mais par effet de l'accord signé le 19 octobre 2005 - dans les DOM, aux Açores, à Madère, aux îles Canaries et aux îles Aland.
Le règlement 1215/2012 s'applique en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction, mais ne concerne pas les matières fiscales, douanières ou administrative (art. 1er). En l'absence de définition de la notion de “matière civile et commerciale”, la Cour de justice a opté pour un principe d'interprétation visant à assurer que les droits et obligations des États membres et de leurs citoyens respectifs ne varient pas d'un État à l'autre. La notion de matière civile et commerciale doit être considérée “comme une notion autonome qu'il faut interpréter en se référant, d'une part, aux objectifs et au système [du règlement] et d'autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes de droit nationaux”. Selon la Cour, ce qui relève de la matière civile et commerciale doit être déterminé essentiellement “en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige, ou l'objet de celui-ci”. Le règlement exclut expressément de son champ d'application l'arbitrage, la sécurité sociale, les faillites ou le droit des personnes et de la famille.
Pour que le règlement s'applique, il est nécessaire qu'un élément d'extranéité soit présent. Cependant, le caractère international du rapport juridique en cause ne doit pas nécessairement découler de l'existence d'un lien effectif et suffisant avec le marché intérieur, impliquant par définition plusieurs États membres : l'élément d'extranéité peut aussi résulter de rapports juridiques impliquant un ou plusieurs États membres et un ou plusieurs États situés en dehors de l'Union ou, pour l'application de la règle de compétence générale en faveur du tribunal du domicile du défendeur, de l'implication d'un État membre, en raison du domicile du défendeur, et d'un État tiers, en raison de la localisation des faits litigieux.
Outre son caractère international, le litige doit, selon le règlement 1215/2012, présenter un élément de rattachement avec l'État membre du juge saisi. Il doit, selon le considérant 13, exister un lien entre les litiges couverts par le règlement et le territoire des États membres qu'il lie. Le domicile du défendeur dans un des États membres constitue en principe ce lien. Selon la Cour de justice, “l'implication d'un État membre et d'un État tiers, en raison du domicile du demandeur et d'un défendeur dans le premier État, et de la localisation des faits litigieux dans le second [...]” permet l'application de la règle de compétence de principe du tribunal du domicile du défendeur, posée à l'article 4 du règlement. En recourant à la notion d'"implication", la Cour exige que le litige soit “intégré”, c'est-à-dire présente un lien de rattachement tel avec l'État membre du juge saisi que la compétence de ce dernier sera fondée aux termes du règlement. Ce lien est plus ou moins étroit, selon la nature de la règle de compétence concernée (compétence de principe, compétence optionnelle spéciale ou compétence exclusive...) : les règles de compétence exclusive, à caractère impératif, qui se substituent à la compétence de principe sur laquelle est normalement fondé le règlement, supposent ainsi l'existence d'un lien de rattachement particulièrement étroit entre le litige et un État membre, indépendamment du domicile tant du défendeur que du demandeur.