Définition de l'exception d'inexécution et encadrement légal
Avant la réforme du droit de contrats, le Code civil n'envisageait pas l'exception d'inexécution ou exceptio non adimpleti contractus comme un remède général à l'inexécution contractuelle. Même si la jurisprudence l'appliquait déjà largement, cette exception ne figurait au Code civil que dans des textes régissant certains contrats, tels, pour la vente, les articles 1612 et 1653 du Code civil. L’exception d’inexécution, désormais consacrée à l'article 1219 du Code civil, permet à un contractant de suspendre volontairement l’exécution de ses obligations tant qu’il n’a pas reçu la prestation qui lui est due, et ce, sans mise en demeure préalable. L’exception d’inexécution suppose la réunion de deux conditions : des obligations réciproques, et l’existence d’une inexécution, préalable ou concomitante.
Connexité des obligations comme condition de l'exception d’inexécution
Concernant le lien de connexité entre les obligations, la Cour de cassation considère que les obligations issues du contrat de vente sont réciproques et interdépendantes. Ce lien de connexité peut exister même en présence de deux contrats distincts. A l’inverse, si les obligations ne sont pas suffisamment liées, il ne peut y avoir exception d’inexécution.
Gravité de l’inexécution : une condition essentielle
Concernant l’existence d’une inexécution du débiteur, l’article 1219 du Code civil prévoit que cette dernière doit être suffisamment grave. Il doit exister une juste proportionnalité entre l’obligation inexécutée et celle suspendue par le créancier. Dans son contrôle a posteriori, le juge évalue si l’inexécution est d’une gravité suffisante pour suspendre l’exécution du contrat. Aussi, une inexécution mineure ne permet-elle pas au créancier d’opposer une exception d’inexécution. Par ailleurs, la jurisprudence, comme le texte de l'article 1217 qui évoque “la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement”, assimilent la mauvaise exécution ou l'exécution imparfaite, à l'inexécution contractuelle. En outre, l'inexécution contractuelle peut n'être que partielle.
Exception d’inexécution anticipée : article 1220 du Code civil
L’article 1220 du Code civil consacre par ailleurs l’exception d’inexécution anticipée, également appelée exception pour risque d'inexécution, en permettant au créancier d’opposer l’exception d’inexécution s’il est manifeste que le débiteur ne s’exécutera pas. Dans cette hypothèse, l’inexécution à venir doit entraîner des conséquences suffisamment graves pour justifier la suspension de l’exécution et doit être notifiée au cocontractant dans les meilleurs délais. L'exception pour risque d'inexécution est également spécialement prévue en matière de contrat de vente par l’article 1653 du Code civil. Le texte prévoit que l’acheteur peut suspendre le paiement du prix s’il craint une action hypothécaire ou en revendication. Que l’inexécution soit anticipée ou avérée, le jeu de l’exception d’inexécution entraîne la suspension de l’exécution du contrat. Le contrat n’est pas pour autant anéanti, et ce, même si l’inexécution perdure. Toutefois, l'exception d'inexécution ne saurait être mise en œuvre si le contrat est déjà résolu par le jeu d'une clause résolutoire invoquée par la partie adverse.
Application de l’exception d’inexécution dans la vente
Dans le cadre d’un contrat de la vente, le vendeur peut s'abstenir de procéder à la délivrance tant que l'acheteur n'a pas payé le prix. De même, l’acquéreur peut opposer l’exception d’inexécution au vendeur en s’abstenant de payer le prix, si ce dernier ne délivre pas la chose vendue, manque à son obligation de délivrance conforme ou que la chose vendue est affectée d'un vice caché. Si l’obligation suspendue est la délivrance d’une chose, les risques ne sont pas transférés au contractant. Mais le champ d’application de l’exception d’inexécution ne se limite pas à la vente, l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat d’entreprise permettant à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne.