Gérant-mandataire

Droit français de la distribution

Avant de faire l'objet d'une réglementation spécifique, le contrat de gérance-mandat, qui consiste pour un propriétaire de fonds de commerce à le donner en gérance sous la forme d'un mandat, était soumis au droit commun du mandat (C. civ., art. 1984 et s.). Indépendant, parce qu'il dispose d'une certaine marge de manoeuvre dans l'exécution de sa mission, le gérant-mandataire n'en doit pas moins se conformer aux instructions du mandant et ne supporte pas les risques de l'exploitation. Aussi la subordination du mandataire a-t-elle parfois conduit les juges à requalifier le contrat en gérance salariée. Afin de reconnaître la spécificité du statut du gérant-mandataire, qui n'est ni un salarié ni un entrepreneur, le législateur est intervenu avec la loi 2005-882 du 2 août 2005, qui a créé un statut juridique pour les gérants-mandataires de fonds de commerce aux articles L. 146-1 à L. 146-4 du Code de commerce. Le droit commun du mandat - notamment les articles 1999 et 2000 du Code civil - demeure applicable pour les questions non traitées par le Code du commerce. Ce mode d'exploitation des fonds de commerce concerne l'ensemble des secteurs d'activité.

L'article L. 146-1 du Code de commerce définit le gérant-mandataire comme la personne physique ou morale qui gère un fonds de commerce ou artisanal, en contrepartie d'une commission, pour le compte d'un mandant qui reste propriétaire du fonds et supporte les risques liés à son exploitation. Le mandat fixe la mission du mandataire qui, dans ce cadre, dispose de toute latitude pour déterminer les conditions de travail, embaucher du personnel et se substituer des remplaçants dans son activité à ses frais et sous son entière responsabilité. Le fait que la gestion d'un fonds de commerce lui soit confiée peut entraîner une confusion avec le statut de locataire-gérant. Ainsi, un “contrat de gérance appointée” constitue une location-gérance et non une gérance-mandat lorsque le propriétaire du fonds n'a pas inscrit le gérant en qualité de mandataire au registre du commerce et des sociétés et n'apporte pas la preuve du versement d'une rémunération. En revanche, lorsque le gérant accomplit dans l'intérêt, pour le compte et au nom du propriétaire du fonds, le recrutement du personnel et les achats nécessaires à son fonctionnement et lui rend compte de sa gestion et de ses recettes d'exploitation, il s'agit d'un contrat de gérance-mandat. Les points de rencontre entre les deux modes de gestion sont cependant limités. Hormis l'obligation de s'inscrire au registre du commerce ou au répertoire des métiers (C. com., art. L. 146-1, al. 3) et la gestion d'un fonds de commerce ou artisanal, le régime du gérant-mandataire diffère de celui de locataire-gérant.

L'article L. 146-2 du Code de commerce impose au mandant de fournir au mandataire, avant la signature du contrat, toutes informations nécessaires à sa mission, afin de lui permettre de s'engager en connaissance de cause. Il n'est soumis à aucune condition d'exploitation personnelle, le risque spéculatif à l'origine de cette condition étant inexistant. Le mandant ne peut insérer au contrat une clause potestative qui lui permet de résilier le contrat afin de procéder à la refonte complète de l'établissement, en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion, ou d'exploitation, car elle dépendrait de sa seule volonté et non de circonstances objectives susceptibles de contrôle juridictionnel.

Le mandataire exploite le fonds de commerce pour le compte du mandant qui supporte les risques de l'exploitation. Le contrat en vertu duquel, en cas de déficit de gestion, le gérant engage sa responsabilité illimitée quelle que soit la gravité de sa faute, est donc un contrat de location-gérance et non de gérance-mandat. La définition de la mission peut préciser les normes de gestion et d'exploitation du fonds à respecter et les modalités du contrôle susceptible d'être effectué par le mandant, sans que la nature du contrat soit remise en cause (C. com., art. L. 146-1, al. 2).

Le gérant-mandataire est rémunéré à la commission. La rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires constitue d'ailleurs un élément caractéristique du statut (C. com., art. L. 146-1, al. 1). Un accord-cadre conclu entre le gérant et l'ensemble de ses gérants-mandataires ou leurs représentants doit définir une commission minimale garantie (C. com., art. L. 146-3). À défaut, la commission minimale est fixée par les autorités publiques. Une rémunération forfaitaire de fin de contrat peut également être prévue par les parties afin d'écarter le droit du mandataire au remboursement des pertes essuyées à l'occasion de sa gestion.

Lorsque le contrat impose au gérant de succursale une clause de non-concurrence, celle-ci, même si le gérant n'a pas la qualité de salarié, doit, pour être licite, être limitée dans le temps et dans l'espace, être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, tenir compte des spécificités de l'emploi de gérant et prévoir le versement d'une contrepartie financière.

Lorsque le mandant met fin au contrat, et sauf faute grave du mandataire, celui-ci a droit à une indemnité égale, sauf conditions plus avantageuses fixées par les parties, au montant des commissions acquises, ou à la commission minimale garantie équivalant aux six mois précédant la résiliation du contrat ou à la durée d'exécution du contrat si celle-ci a été inférieure à six mois (C. com., art. L. 146-4). Le gérant-mandataire indemnisé sur le fondement de l'article L. 146-4 du Code de commerce ne peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre du caractère anticipé de la rupture. Ces dispositions spéciales excluent toute prétention fondée sur l'article L. 442-1, II (ancien art. L. 442-6, I, 5°) du Code de commerce. Le mandant doit également lui rembourser les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat (C. civ., art. 1999) et l'indemniser des pertes essuyées à l'occasion de sa gestion, sauf imprudence ou négligence de sa part (C. civ., art. 2000). En effet, le gérant-mandataire n'assume pas les risques d'exploitation. Aussi, dès lors que le mandant conserve la maîtrise de l'exploitation, les parties ne peuvent-elles mettre conventionnellement à la charge du gérant-mandataire les pertes d'exploitation résultant de la politique de prix adoptée par le mandant. En l'absence d'imprudence qui lui serait imputable, le mandataire doit être indemnisé des pertes subies à l'occasion de la gestion lorsque les conditions de vente des produits, tant au niveau des charges que des recettes, sont fixées par le mandant. L'indemnisation couvre toutes les pertes, et pas seulement les pertes occasionnelles.

Lorsque le mandat prévoit une rémunération forfaitaire destinée à compenser les pertes essuyées dans le cadre de la gestion du mandataire ainsi que ses charges, celle-ci ne fait pas obstacle à l'indemnisation des pertes qui ont pour origine un élément de l'exploitation dont la maîtrise a été conservée par le mandant. Cependant, le gérant-mandataire peut renoncer au bénéfice des dispositions du Code civil sur l'indemnisation des frais et pertes d'exploitation et accepter le versement d'une commission forfaitaire proportionnelle destinée à couvrir les charges annuelles du mandat évaluées préalablement d'un commun accord avec le mandant. Cette renonciation doit être dépourvue d'équivoque. Tel n'est pas le cas de la clause par laquelle les parties déclarent déroger expressément aux articles 1999 et 2000 du Code civil dans un article d'un contrat de mandat relatif, non à la rémunération ou aux comptes à établir entre les parties, mais à son objet, lorsque le contenu de ces textes n'est pas intégralement reproduit dans le contrat ou lorsque les parties ont expressément écarté l'application de l'article 2000 du Code civil mais que le contrat se réfère aux accords interprofessionnels qui stipulent que “la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant [...] dégage un résultat d'exploitation positif”.

Le gérant-mandataire est en revanche tenu au remboursement du déficit d'inventaire constaté à la fin du contrat. Les marchandises ne sont en effet détenues par le gérant-mandataire qu'à titre de dépôt avec mandat de les vendre, ce qui l'oblige en fin de gestion à les représenter en nature ou en valeur.

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