Marché biface

 

Droit français de la concurrence

En cas d'interdépendance de deux marchés pertinents distincts, les autorités de concurrence retiennent le concept de marché biface pour expliquer leur fonctionnement. Le marché biface (dit aussi “double-face” ou "two-sided market") est caractérisé par des interactions de deux types au moins d'agents économiques conduisant à une externalité de réseau, qui correspond à une situation dans laquelle l'activité économique d'un opérateur - Consommation ou production - influe positivement ou négativement sur le bien-être susceptible d'être retiré par un autre agent de sa propre activité, sans que cette influence ne passe par un mécanisme de marché, ni se traduise par un transfert monétaire. Le concept de marché biface est utilisé tant en droit des pratiques anticoncurrentielles que dans le cadre du contrôle des concentrations.

Dans le cadre d'un marché biface, l'une des faces peut constituer le marché pertinent et l'autre un marché connexe distinct, l'interaction entre elles ne constituant qu'un élément de contexte à prendre en considération pour l'analyse des effets anticoncurrentiels sur le marché pertinent.

En droit des ententes, le tribunal de l'Union considère ainsi qu'en dépit de l'appartenance de l'activité d'émission au marché biface des systèmes de paiement, les services d'émission et d'acquisition diffèrent dès lors qu'ils s'adressent à des clientèles distinctes. Selon l'Autorité de concurrence française, le marché des services liés au paiement par chèque se recoupe avec celui des formules de chèques qui concerne les banques tirées et les payeurs et celui de la remise de chèques où opèrent les bénéficiaires et les banques remettantes. De même, le marché de la carte de paiement, marché biface, se caractérise par des externalités de réseau : détenir une certaine carte de paiement a d'autant plus de valeur ajoutée pour un porteur que le réseau de commerçants acceptant cette carte est étendu et que, réciproquement, l'acceptation d'un type de carte est d'autant plus incontournable pour un commerçant que le nombre de porteurs de ce type de carte est élevé. L'Autorité de la concurrence utilise parfois le caractère biface du marché pour expliquer son fonctionnement sans toutefois toujours en tirer des conclusions concrètes.

Dans le cadre de l’application de l’article L. 420-2 du Code de commerce, l’Autorité de la concurrence a également retenu l’existence de plusieurs marchés “à deux faces”. Tel est le cas du marché de la régie publicitaire cinématographique nationale qui comprend la rencontre de l’offre de services de régies publicitaires spécialisées dans le média cinéma et la demande des exploitants de cinéma car les régies ont par ailleurs pour activité de démarcher des annonceurs et de les convaincre d’utiliser l’espace publicitaire que représente l’écran de cinéma. De même, le marché de la cartographie fine permettant la géolocalisation de points de vente sur les sites Internet des entreprises et de celui de la publicité en ligne, sont des marchés connexes et bifaces car ils font appel aux mêmes matières premières. Sur un tel marché, les parts de marché faciales n’étant pas révélatrices du pouvoir de marché des parties, les parts de marchés intra-groupe - traditionnellement exclues du calcul des parts de marché - sont à prendre en considération dans l’analyse du pouvoir de marché de l’entreprise concernée.

Enfin, dans ses lignes directrices de 2009 relatives au contrôle des concentrations, l’Autorité de la concurrence soulignait que le caractère biface de certains marchés devait être pris en considération soit lors de la délimitation du marché soit lors de l’analyse des effets de l’opération concernée. Au stade de la délimitation du marché, le concept de marché biface justifie de tenir compte dans le secteur des médias, des interactions avec le marché de la publicité. En effet, sans lectorat, le marché des publicités commerciales n’existerait pas et sans petites annonces, le lectorat serait privé d’existence. Il en est de même pour le marché de la téléphonie mobile où l’on constate des interactions entre, d’une part, le niveau des terminaisons d’appel et l’intensité de la concurrence sur la subvention des terminaux et, d’autre part, le prix des abonnements et celui des communications.

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