Définition légale et distinctions de l’obligation de délivrance
La notion de délivrance est définie à l'article 1604 comme étant “le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur”. La définition légale de la délivrance est source de confusion car la délivrance n'implique pas nécessairement un transport, l'obligation de livraison ne pesant sur le vendeur que pour autant que l'acheteur n'est pas tenu au retirement de la chose vendue, comme par exemple en matière immobilière. Délivrance et livraison ne sont donc pas synonyme l'une de l'autre.
Différence entre délivrance et transfert de propriété
En pratique, délivrance ne signifie pas non plus transfert de propriété. En réalité, la définition de l'article 1604 doit être lue au regard des dispositions du Code civil sur l'effet translatif du contrat, issues de la réforme du droit des contrats. Comme l'énonce l'article 1196, alinéa 1er, dans les contrats qui ont pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit, le transfert de propriété - y compris le transfert des risques -, s'opère, sauf exceptions, solo consensu, c'est-à-dire par le seul échange des volontés. Autrement dit, l'acheteur acquiert la propriété de la chose vendue et en supporte les risques, dès la conclusion du contrat de vente, et ce, indépendamment de la délivrance, qui n'en constitue que l'acte matériel de mise à disposition. Toutefois, si la délivrance se distingue du transfert de propriété, l'un et l'autre ne sont pas sans lien, puisque l'article 1196, alinéa 3, précise que “le débiteur de l'obligation de délivrer [le vendeur] en retrouve la charge à compter de sa mise en demeure (...)”. L'article 1197 ajoute par ailleurs que “l'obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu'à la délivrance, en y apportant tous les soins d'une personne raisonnable”.
Modalités de délivrance selon la nature des biens
Les modalités de délivrance varient selon sa nature de la chose vendue. Pour les choses immobilières, l’article 1605 du Code civil dispose que “l'obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété”. En outre, selon la jurisprudence, l'obligation de délivrance d'un immeuble n'est remplie que s'il est libre d'occupation. S'agissant des meubles corporels, selon l’article 1606, la mise à disposition des effets mobiliers s'opère : i) soit par la remise de la chose entre les mains de l'acheteur ou de son représentant ou de celles du transporteur en cas de vente à distance, ii) soit par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent, iii) soit “par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s'en faire au moment de la vente, ou si l'acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre ”. S'agissant des meubles incorporels, l'article 1607 prévoit que la tradition des droits incorporels s'effectue soit par la remise des titres, soit par l'usage que l'acquéreur en fait du consentement du vendeur.
Sauf stipulations contraires, les frais de la délivrance sont en principe à la charge du vendeur et ceux de l'enlèvement à la charge de l'acquéreur en application de l'article 1608.
Concernant le lieu de la délivrance, selon l'article 1609, il correspond, pour les corps certains, à l’endroit où était la chose au moment de la vente, sauf stipulations contraires. Pour les choses fongibles, vendues au poids ou à la mesure, leur mise à disposition s’opère à l’endroit où elles deviennent corps certains, c'est-à-dire, en application de l'article 1585, au lieu de leur individualisation.
La délivrance intervient, en application de l'article 1610, dans le temps convenu par les parties. A défaut de délai prévu, il appartient aux juges du fond de déterminer le délai raisonnable dans lequel le vendeur doit délivrer la chose vendue.
Exceptions à l’obligation de délivrance du vendeur
Selon l'article 1614, la chose doit être délivrée en l'état où se trouvent au moment de la vente, les fruits appartenant, dès ce jour, à l'acquéreur. Toutefois, il existe plusieurs cas dans lesquels le vendeur n'est pas tenu à délivrance. L'article 1612 dispose que le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose dès lors que l'acheteur n'en paie pas le prix et que le vendeur ne lui a pas accordé un délai pour le paiement. Il résulte de ce texte que le vendeur peut retenir la chose tant qu'il n'a pas été payé en soulevant l'exception d'inexécution. Par ailleurs, en vertu de l'article 1613, le vendeur n'est pas obligé de délivrer la chose, même s'il a accordé un délai pour le paiement, dans l'hypothèse où, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, de sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix, à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme.
Sanctions en cas de non-délivrance par le vendeur
La charge de la preuve de l'exécution de l'obligation de délivrance de la chose vendue et de ses accessoires pèse sur le vendeur.
Si le vendeur n'effectue pas la délivrance dans le délai prévu, l'acquéreur peut, en vertu de l'article 1610, demander, à son choix, la résolution de la vente ou sa mise en possession, si le retard est imputable seulement au vendeur. Dans tous les cas, selon l'article 1611, le vendeur doit être condamné à verser des dommages et intérêts à l'acheteur, s'il résulte un préjudice du défaut de délivrance au terme convenu.