Définition et principe consensuel du transfert de propriété
Le consensualisme est de principe en matière de vente en application de l'article 1583 du Code civil. Ce caractère consensuel de la vente appelle deux conséquences. D’abord, la vente constitue un contrat solo consensu, formé par le seul échange des volontés. La vente est donc parfaite dès l’accord des parties sur la chose et le prix. En outre, de cet accord des parties s’ensuit un transfert immédiat à l'acquéreur de la propriété du bien ou de la chose qui en est l'objet. A compter de ce moment, le vendeur perd ses prérogatives de propriétaire, et le bien objet de la vente quitte son patrimoine pour accroître celui de l'acheteur. Ce principe du transfert immédiat vaut pour tous les contrats translatifs de propriété. L’article 1196 du Code civil, dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose ainsi, en son premier alinéa, que “dans les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété ou la cession d'un autre droit, le transfert s'opère lors de la conclusion du contrat”.
Conséquences immédiates du transfert de propriété
À compter du transfert de propriété, l'acquéreur devient titulaire des droits sur la chose, le vendeur perdant corrélativement tout droit de propriété. La chose livrée comprend, aux termes de l'article 1615 du Code civil, ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. En outre, en vertu de la règle selon laquelle l'accessoire suit le principal (accessorium sequitur principale), le transfert de propriété de la chose s'accompagne du transfert de tous les accessoires attachés à cette chose. Le transfert ne se limite pas aux accessoires matériels, mais s'étend aux droits réels et actions en justice attachés à la propriété de cette chose.
Droits transmis dans une chaîne de contrats translatifs de propriété
Le sous-acquéreur, comme le maître de l'ouvrage, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenaient à son auteur et donc d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée contre le fabricant. L'action en responsabilité contractuelle de droit commun accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire et peut être intentée contre les constructeurs par ses acquéreurs successifs, même pour les dommages nés antérieurement à la vente. De même, le sous-acquéreur dispose contre le réparateur d’une action directe contractuelle fondée sur l’inexécution d’une obligation, exclusive d’une responsabilité fondée sur l’article 1240 du Code civil. L'action en garantie des vices cachés se transmet également avec la chose vendue au sous-acquéreur, bien que le vendeur intermédiaire puise aussi l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause compromissoire est transmise de façon automatique en tant qu'accessoire du droit d'action lui-même accessoire du droit substantiel transmis, sans incidence du caractère homogène ou hétérogène de cette chaîne.
Enfin, certains aménagements conventionnels peuvent être considérés comme accessoires de la chose vendue. La clause de non-concurrence souscrite par un membre d’une profession libérale au profit d’un confrère à l’occasion de la cession d'éléments constitutifs de son cabinet, doit être, sauf clause contraire, présumée comprise parmi les droits transmis par le cessionnaire lorsqu’il vient, à son tour, à procéder à la même opération au profit d’un tiers. Le sous-acquéreur qui exerce l'action du vendeur intermédiaire à l'encontre du fabricant peut également se voir opposer la clause d'exclusion de garantie convenue dans les rapports entre ces derniers, alors qu'elle lui aurait été inopposable si elle avait été stipulée dans son contrat.
Aménagements conventionnels et limites du transfert immédiat
Toutefois, le principe du transfert immédiat de la propriété n'est pas d'ordre public. Aux termes de l’article 1196 du Code civil, le transfert immédiat de propriété peut être différé par la volonté des parties, la nature de la chose ou l’effet de la loi. Le report du transfert de propriété fait, en règle générale, l’objet d’un aménagement conventionnel. Il résulte le plus souvent d’une clause de réserve de propriété ou, en matière immobilière, de l’obligation légale de constater la vente par acte authentique après une promesse de vente ayant consacré l’accord des parties sur la chose et le prix. Le transfert peut également être soumis à la réalisation d’une condition ou soumis à un terme, ou enfin dépendre de l’achèvement de la chose et de sa livraison, dans le cas d’une chose future, ou de son individualisation, dans le cas d’une chose de genre, vendues au poids ou à la mesure (art. 1585, C. civ.).