Consommation
Cadre légal des annonces de réduction de prix
Les annonces de réduction de prix constituent des pratiques promotionnelles visant, au cours de périodes limitées dans le temps, à attirer les consommateurs. Elles sont susceptibles de tomber sous le coup du droit de l'Union et du droit national. Les réglementations nationales relatives à ces annonces doivent non seulement être conformes aux règles du Traité en matière de libre circulation des marchandises, mais aussi, dès lors qu'elles entrent dans son champ d'application, à celles de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et, depuis la directive 2019/2161 du 27 novembre 2019, à l'article 6 bis de la directive 98/6 du 16 février 1998 relative à l'indication des prix des produits offerts aux consommateurs.
Saisie à plusieurs reprises de la conformité à la directive 2005/29 de la législation belge, qui interdit les annonces de réduction de prix pendant les périodes qui précèdent les soldes saisonniers, et impose, en dehors de ces périodes, que le prix annoncé constitue une réelle réduction par rapport au prix habituellement pratiqué pendant une période continue d'un mois précédant immédiatement la date de début de la promotion, la Cour de justice a dit pour droit que les annonces de réduction de prix constituent bien des “pratiques commerciales” au sens de l'article 2, d), de la directive. En effet, des campagnes promotionnelles qui ont pour objectif d'attirer des consommateurs dans les locaux commerciaux d'un commerçant s'inscrivent clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d'un opérateur et visent directement à la promotion et à l'écoulement de ses ventes. De telles annonces, qui ne figurent pas dans la liste des pratiques commerciales déloyales per se, ne peuvent être prohibées en toutes circonstances, mais seulement à l'issue d'une analyse au cas par cas. En conséquence, une législation qui pose une interdiction générale des annonces de réduction de prix pendant certaines périodes et prive le consommateur d'un élément d'information, est contraire à la directive. La Cour de justice a adopté le même raisonnement dans une affaire dans laquelle était critiquée la condition relative à la détermination du prix de référence. Elle a estimé que la législation belge ne pouvait prohiber les annonces de réduction de prix lorsque le prix annoncé ne constitue pas une réelle réduction par rapport au prix habituellement pratiqué pendant une période continue d'un mois précédant immédiatement la date de début de la promotion, sans procéder à une analyse individuelle du caractère déloyal d'une telle pratique à la lumière des critères posés par les articles 5 à 9 de la directive.
Conformité de la législation française avec la directive européenne
Quid de la réglementation française? La France a, en juin 2009, été mise en demeure de mettre le droit national en conformité avec la directive 2005/29. La Commission visait notamment les arrêtés des 2 septembre 1977 et 31 décembre 2008, qui interdisaient, contrairement aux exigences du texte européen, certaines formes d'annonces sans que leur caractère trompeur ou agressif eût fait l'objet d'une vérification concrète. Face à l'inaction de la France, la Commission a engagé une procédure d'infraction contre la France et émis un avis motivé. Par la suite, un site de vente en ligne condamné pour violation de l'arrêté du 31 décembre 2008 a obtenu que la Cour de cassation pose à la Cour de justice une question préjudicielle sur la conformité de la législation française à la directive. Anticipant la condamnation de la France, dont la réglementation était très proche de la législation belge déjà sanctionnée, le Gouvernement a abrogé l'arrêté du 31 décembre 2008 et lui a substitué l'arrêté du 11 mars 2015, qui pose en préambule que “toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu'elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1 (devenu l'art. L. 121-1) du Code de la Consommation et qu'elle soit conforme aux exigences du présent arrêté”. La Cour de justice s'est ultérieurement prononcée sur les dispositions de l'arrêté de 2008 et a, sans surprise, déclaré le droit français contraire à la directive, sous réserve qu'il soit établi que ce texte poursuit bien un objectif de protection des consommateurs. Consacrant la finalité consumériste de l'arrêté de 2008, la Chambre criminelle, cour de renvoi, s'est alignée sur la position de la Cour de justice.
Impact de la directive 98/6 et les règles sur les annonces de réduction de prix
À l'origine, la directive 98/6 du 16 février 1998 ne comportait pas de dispositions relatives aux annonces de réduction de prix. Cependant, la directive transversale 2019/2161 du 27 novembre 2019 a inséré un nouvel article 6 bis au sein de celle-ci, qui prévoit que toute annonce de réduction de prix devra indiquer le prix antérieur appliqué par le professionnel pendant une durée déterminée avant l'application de la réduction de prix. Le “prix antérieur” désigne le prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d'une période qui n'est pas inférieure à trente jours avant l'application de la réduction de prix. Le texte européen réduit la liberté offerte aux entreprises, qui disposaient jusqu'alors d'un éventail de critères beaucoup plus large, pour autant que leur annonce ne présente pas de caractère déloyal au sens de la directive 2005/29. Deux exceptions à la règle des trente jours sont cependant prévues: i) des règles différentes peuvent être retenues pour les biens susceptibles de se détériorer ou d'expirer rapidement ; une période plus courte peut être définie lorsque le produit est commercialisé depuis moins de trente jours. Enfin, lorsque la réduction de prix est progressivement augmentée, le prix antérieur pourra désigner le prix sans réduction avant la première application de la réduction de prix.
Évolution des arrêtés français et leur conformité avec la directive européenne
Pour assurer la conformité du cadre réglementaire français avec la directive 2005/29, le Gouvernement a posé, en préambule, à l'article 1er de l'arrêté du 11 mars 2015, le principe selon lequel “toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu'elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l'article [L. 121-1] du Code de la Consommation et qu'elle soit conforme aux exigences du présent arrêté”. Pour transposer correctement la directive, il aurait fallu se limiter à cette disposition. Or, dans ses articles 2 à 4, l'arrêté impose une série de contraintes, qui, même si elles sont allégées par rapport aux dispositifs antérieurs, s'avèrent difficilement conciliables avec l'harmonisation maximale voulue par le texte européen.
Conformément à l'article L. 121-1 du Code de la Consommation, les annonces de réduction de prix ne doivent pas être contraires aux exigences de la diligence professionnelle ni altérer, ou être susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard du bien ou du service concerné. Constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales, les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 du même code. L'article 1er de l'arrêté du 11 mars 2015 demeure sans conséquence sur la répression des annonces de réduction de prix, puisque les arrêtés de 1977 ou de 2008 et l'article L. 121-2 du Code de la Consommation faisaient souvent l'objet d'une application conjointe. Néanmoins, les anciens arrêtés distinguaient selon que la publicité était réalisée hors des lieux de vente ou sur les lieux de vente. Tenant compte du développement du commerce électronique, l'arrêté de 2008 assimilait la publicité sur des sites non marchands à la publicité hors des lieux de vente, et celle réalisée sur des sites marchands à la publicité sur les lieux de vente. L'arrêté du 11 mars 2015 ne maintient que les règles applicables aux publicités effectuées sur les lieux de vente. Dès lors, les annonces de réduction hors lieux de vente ne sont soumises qu'à l'obligation générale de loyauté. Par ailleurs, l'arrêté de 2015 abandonne les distinctions de l'arrêté de 2008, et ne vise que les publicités faites “dans un établissement commercial”. Doit-on en déduire que la vente en ligne ne relève pas de son champ d'application ? Les termes employés semblent effectivement viser un établissement physique. La vente sur internet devrait, à l'instar des publicités faites hors des lieux de vente, être soumise à l'exigence de loyauté.
Enfin, l'arrêté du 11 mars 2015 ne prévoit plus ni l'obligation de fournir les produits ou services concernés par la publicité au prix indiqué par celle-ci, ni l'interdiction des publicités pour des articles ou services indisponibles ou qui ne peuvent être fournis. Cette disparition sera sans conséquence puisque les annonces de réduction de prix relèvent de l'article L. 121-2, qui prohibe les pratiques commerciales trompeuses, et notamment les allégations trompeuses sur la disponibilité du bien ou du service et le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente. La jurisprudence rendue sous l'empire des anciens arrêtés conserve donc tout son intérêt. Sous l'empire de l'arrêté de 1977, ont ainsi été condamnées les annonces de rabais portant sur des marchandises indisponibles en magasin ou proposant à la vente des produits dont le nombre était insuffisant pour répondre à la demande, le maintien d'un affichage annonçant des réductions de prix après l'épuisement du stock disponible, sans faire figurer d'erratum, ou l'offre de sites comparateurs de prix, qui annonçaient en ligne des réductions de prix sur des produits indisponibles sur les sites auxquels ils renvoyaient.
Outre l'exigence générale de loyauté, l'arrêté du 11 mars 2015 pose des conditions spécifiques aux annonces de réduction de prix faites dans un établissement commercial, similaires à celles antérieurement prévues pour les annonces faites sur les lieux de vente. Les règles applicables diffèrent selon que la réduction consiste ou non en un taux uniforme.
Lorsque la réduction est uniforme, l'article 3 dispense le professionnel d'indiquer le prix réduit, dès lors que la réduction porte sur des produits ou services parfaitement identifiés. La remise peut alors être effectuée par simple escompte de caisse, l'avantage annoncé s'entendant par rapport au prix de référence. La circulaire du 7 juillet 2009, prise pour l'application de l'arrêté du 31 décembre 2008, qui comportait la même disposition, précise que la règle n'implique pas qu'un seul taux uniforme de réduction soit pratiqué pour l'ensemble d'un point de vente. Des taux différents peuvent s'appliquer dans un même point de vente, selon les rayons et produits concernés, sous réserve que les produits ou services en cause soient clairement indiqués sur la publicité.
En cas de réduction non uniforme, l'article 2 de l'arrêté du 11 mars 2015 impose un double marquage : l'annonceur doit préciser, outre le prix réduit, le prix de référence sur lequel la réduction est pratiquée. Cette exigence est désormais consacrée par l'article 6 bis de la directive 98/6. L'article 4 de l'arrêté impose, par ailleurs, à l'annonceur d'être à même de justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée.
Par ailleurs, depuis l'arrêté de 2015, le prix de référence est déterminé par l'annonceur lui-même, et non selon des méthodes fixées réglementairement. La liberté reconnue aux opérateurs sera cependant de courte durée car l'article 6 bis de la directive 98/6 ne vise, à titre de critère de détermination du prix de référence, que le prix le plus bas effectivement pratiqué au cours des trente derniers jours.
Dispositions spécifiques et règles sur les annonces de réduction de prix
Les poursuites visant la violation des anciens arrêtés se fondaient sur les dispositions de l'article R. 113-1 du Code de la Consommation, qui prévoyait une “peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe”, soit 1 500 euro d'amende. Le principe du non-cumul des peines n'étant pas applicable aux contraventions, il pouvait être prononcé autant d'amendes que d'infractions. Le texte de l'article R. 113-1 n'a pas été repris par le décret 2016-884 du 29 juin 2016, qui a recodifié la partie réglementaire du Code de la Consommation. Le non-respect des dispositions de l'arrêté n'est donc plus sanctionnée par une (ou des) contravention(s). Néanmoins, comme celui du 31 décembre 2008, l'arrêté du 11 mars 2015 a été adopté au visa de l'article L. 113-3 (nouvel art. L. 112-1) du Code de la Consommation, selon lequel “tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'Économie, après consultation du Conseil national de la Consommation”. Or, depuis la loi Hamon du 17 mars 2014, la violation des dispositions de l'article L. 112-1 est punie, par l'article L. 131-5, d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euro pour une personne physique et 15 000 euro pour une personne morale. Ces dispositions s'appliquent-elles, comme l'estiment certains auteurs, aux manquements à l'arrêté du 11 mars 2015, qui vise expressément l'article L. 112-1 ? Les travaux préparatoires de la loi demeurent silencieux à cet égard. L'insécurité juridique ainsi créée rend une prise de position de l'Administration plus que jamais nécessaire.
Par ailleurs, la violation de la réglementation des annonces de réduction de prix peut être sanctionnée sur le fondement des dispositions applicables aux pratiques commerciales déloyales, auxquelles renvoie expressément l'arrêté du 11 mars 2015. Lorsque la pratique peut être qualifiée de trompeuse, l'annonceur encourt une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euro, dont le montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit.
En outre, comme le non-respect de toute réglementation, la violation des dispositions qui régissent les annonces de réduction de prix peut constituer un acte de concurrence déloyale car elle désorganise le marché et confère à celui qui se soustrait à la réglementation un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent. En outre, le juge des référés peut, à la demande de tout intéressé, ordonner la cessation d'une publicité illicite sur le fondement de l'arrêté du 11 mars 2015 en prescrivant les mesures conservatoires qui s'imposent.
Finalement, l'ordonnance 2021-1734 du 22 décembre 2021, qui transpose en droit interne la directive 2019/2161 du 27 novembre 2019, a introduit l'article L. 112-1-1 dans le Code de la Consommation. Cette disposition, en vigueur depuis le 28 mai 2022, encadre les annonces de réduction du prix en imposant qu'elles indiquent le prix antérieur, défini comme “le prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l'égard de tous les consommateurs au cours des 30 derniers jours précédant l'application de la réduction de prix”. Le défaut d'indication du prix antérieur constitue une pratique commerciale trompeuse. En cas de réductions successives pendant une période déterminée, le prix antérieur à prendre en considération est celui pratiqué avant l'application de la première réduction. Par exception, les réductions de prix sur des produits périssables menacés d'une altération rapide, ainsi que les opérations par lesquelles un professionnel compare les prix qu'il affiche avec ceux d'autres professionnels, ne sont pas concernées par cette obligation.