Programme de clémence

 

Droit français de la concurrence

Afin d'accroître l'efficacité du contrôle, le législateur a, à l'instar du droit américain ou européen, institué un système de clémence permettant de tenir compte du degré de coopération de l'entreprise dans l'évaluation du montant de la sanction. En application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce, une exonération totale ou partielle, le cas échéant conditionnée, peut être octroyée à une entreprise ou une association d'entreprises qui a contribué à établir la réalité de pratiques prohibées au titre du droit des ententes et à en identifier les auteurs.

Inspiré par le programme-modèle du réseau européen de la concurrence (REC) de novembre 2012, le système retenu par l’Autorité de la concurrence dans son communiqué de procédure en date du 3 avril 2015 s’avère relativement complexe. Il est repris, dans ses grands traits, dans les nouveaux articles R. 464-5 à R. 464-5-5 du Code de commerce, issus du décret 2021-568 du 10 mai 2021, qui transpose en partie la directive ECN+ en droit français.

Pour bénéficier d’une exonération totale (cas de type 1), l’article R. 464-5-1 impose désormais au demandeur de révéler sa participation à une pratique prohibée par l’article L. 420-1 et d’être le premier à fournir des éléments d’information qui :

  • a) soit permettent, au moment où la DGCCRF ou l’Autorité de la concurrence reçoivent la demande, de procéder à des opérations de visite et saisie ou à des perquisitions dans le cadre d’une procédure pénale en rapport avec la pratique en cause, à condition qu’elles n’aient pas déjà en leur possession des éléments d’information qu’elles estiment suffisants pour permettre de procéder à de telles opérations de visite et saisie ou qu’il n’ait pas déjà été procédé à de telles opérations ou perquisitions ;
  • b) soit sont suffisants pour permettre à l’Autorité d’établir l’existence de la pratique en cause, à condition que la DGCCRF ou l’Autorité n’aient pas déjà en leur possession des éléments d’information que cette dernière estime suffisants pour lui permettre d’établir l’existence de cette pratique et qu’aucun autre demandeur n’ait déjà rempli les conditions pour bénéficier de l’exonération totale de sanctions pécuniaires en application du a).

Les entreprises qui ne remplissent pas ces conditions peuvent toutefois bénéficier d'une exonération partielle des sanctions pécuniaires (cas de type 2) si elles apportent des éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments dont l'Autorité ou la DGCCRF disposent déjà (C. com., art. R. 465-5-2). Le niveau d'exonération auquel l'entreprise peut prétendre dépend du rang de sa demande, du moment où elle a été présentée et du degré de valeur ajoutée significative que les éléments de preuves fournis ont apporté.

Afin d'accroître la transparence du système et inciter les entreprises à déposer des demandes de clémence, le communiqué procédure du 3 avril 2015 fixe des fourchettes de réduction prédéterminées. Ainsi, le premier demandeur à fournir des éléments dotés d'une valeur ajoutée significative à l'Autorité peut prétendre à une réduction comprise entre 25 et 50 %, le second à une réduction comprise entre 15 et 40 %, et le dernier à 25 % de réduction au plus. L'Autorité de la concurrence peut également accorder le bénéfice de la “Clémence Plus” si l’entreprise fournit des éléments décisifs qui lui permettent d’établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l’entente (C. com., art. R. 464-5-2, II). De même, afin de garantir aux entreprises qui souhaitent coopérer un égal accès au programme de clémence, le communiqué procédure prévoit la publication d'un communiqué de presse pour annoncer le déclenchement d'opérations de visites et saisies, qui ne divulguera cependant pas le nom des entreprises concernées, pour préserver la présomption d'innocence. Enfin, les entreprises peuvent déposer une demande sommaire (complémentaire de celle déposée auprès de la Commission si elles l'estiment la mieux placée pour traiter l'affaire), pour tout type de demande de clémence, quel que soit leur rang d'arrivée.

Outre les conditions d'éligibilité générales pour bénéficier d'une immunité de type 1 ou 2, l'exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires est soumise au respect, par les entreprises, quel que soit leur rang, de plusieurs conditions cumulatives, reprises à l'actuel article R. 464-5-4 du Code de commerce. L'entreprise doit d'abord mettre fin à sa participation à l'entente présumée sans délai et au plus tard à compter de la notification de l'avis de clémence de l'Autorité. Ensuite, elle doit apporter à l'Autorité une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction. Une telle coopération implique, en particulier : de fournir sans délai à l'Autorité toutes les informations et tous les éléments de preuve qui viendraient en sa possession ou dont elle peut disposer sur l'entente présumée ; de ne pas remettre en cause, et ce jusqu'au terme de la procédure, les éléments factuels révélés à l'Autorité dans le cadre de la procédure de clémence et qui fondent l'avis de clémence, la matérialité des faits dénoncés ou l'existence même des pratiques ; de se tenir à la disposition de l'Autorité pour répondre rapidement à toute demande de sa part visant à contribuer à l'établissement des faits en cause ; de mettre à la disposition de l'Autorité, pour les interroger, ses représentants légaux et ses salariés actuels, ainsi que, dans la mesure du possible, ses anciens représentants légaux et salariés ; de s'abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuve utiles se rapportant à l'entente présumée, et de ne pas divulguer l'existence ou la teneur de la demande de clémence avant que l'Autorité n'ait communiqué ses griefs aux parties, sauf si cette dernière y consent. Lorsqu'elle envisage d'adresser une demande à l'Autorité, l'entreprise ne doit pas avoir détruit ou falsifié de preuves de l'entente présumée, ni avoir divulgué son intention de présenter une demande ni la teneur de celle-ci, sauf à d'autres autorités de concurrence. Enfin, aucune exonération totale de sanction pécuniaire ne peut être accordée à une entreprise qui en a contraint d'autres à participer à l'infraction.

Avant la transposition de la directive ECN+ en droit français, seules les entreprises pouvaient bénéficier de mesures de clémence. L’ordonnance du 26 mai 2021 a inséré un nouvel article L. 420-6-1 qui étend la portée de la clémence aux personnes physiques eu égard aux sanctions pénales qu’elles encourent sur le fondement de l’article L. 420-6. Sont ainsi exonérés des sanctions prévues par ce texte les “directeurs, gérants et autres membres du personnel de l’entreprise ou association d’entreprises qui ont pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre” des pratiques dans l’hypothèse où l’entreprise ou l’association d’entreprises a bénéficié d’une immunité totale d’amende au titre du IV de l’article L. 464-2, et s’il est établi que ces personnes ont activement coopéré avec l’Autorité de la concurrence et le ministère public.

Les règles de procédure fixées dans le Code de commerce, initialement laconiques, ont été complétées par les communiqués clémence successifs, puis significativement enrichies à l’occasion de la transposition de la directive ECN+, d’abord par le décret 2021-568 du 10 mai 2021, puis par l’ordonnance 2021-649 du 26 mai 2021. L'article R. 464-5 prévoit que l'entreprise adresse sa demande de clémence au rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ou au directeur de la DGCCRF par lettre recommandée avec avis de réception, la présente oralement, ou, depuis le décret du 10 mai 2021, la poste sur une plateforme d’échanges sécurisés de documents électroniques. Le directeur général de la concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes, le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence ou un rapporteur désigné par lui à cet effet accusent, par écrit, réception de la demande. La déclaration orale du demandeur est recueillie par un enquêteur de la direction générale de la concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes ou un rapporteur de l’Autorité de la concurrence et fait l’objet d’un procès-verbal de déclaration. En vertu de l’article R. 464-5-3 nouveau, le demandeur peut solliciter du directeur général de la concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes ou du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence l’attribution d’une place dans l’ordre d’arrivée, en vue de bénéficier de l’exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires. En vertu de l’article L. 464-2, IV, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 26 mai 2021, cette demande peut être présentée en langue française ou dans une autre langue officielle de l’Union européenne convenue entre elle et l’Autorité de la concurrence ou l’Administration. Le classement joue un rôle primordial car seule la première entreprise à dénoncer l'entente peut prétendre à l'immunité d'amende, les suivantes ne pouvant obtenir qu'une réduction. Les autorités saisies fixent un délai (dit délai marqueur) afin de permettre au demandeur de rassembler les éléments d’information requis. Si le demandeur fournit les “éléments d’information” utiles dans le délai accordé, ils sont réputés avoir été communiqués à la date de réception de la demande, telle que constatée dans le courrier ou le procès-verbal marquant sa place dans l’ordre d’arrivée.

Jusqu’à récemment, le rapporteur désigné pour instruire la demande de clémence rédigeait un rapport sur le fondement des éléments fournis et élaborait, le cas échéant, des propositions d’exonération précisant les conditions auxquelles l’Autorité de la concurrence pourrait soumettre l’immunité ou la réduction d’amende dans un “avis de clémence”. En raison de la contrainte procédurale engendrée par l'avis de clémence (retard du démarrage de l'instruction, des opérations de visite et saisie, etc.), la loi DDADUE du 3 décembre 2020 a supprimé la référence à cette exigence de l'article L. 464-2, IV, qui précise désormais que le rapporteur général “informe l’entreprise par écrit, le cas échéant, de son éligibilité à une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires encourues et lui indique les conditions de coopération définies par l’Autorité de la concurrence”.

Si ces conditions sont remplies, l'Autorité accorde l'exonération, totale ou partielle, lors de l'examen au fond de l'affaire. Lorsque les conditions fixées ne sont pas remplies, l'Autorité émet un avis défavorable et restitue à l'entreprise, qui en fait la demande, les éléments de preuve fournis.

Depuis la loi Macron du 6 août 2015, l'exonération ou la réduction d'amende peut être accordée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise concernée aient été entendus, sans établissement préalable d'un rapport.

Enfin, l'Autorité de la concurrence a consacré le cumul entre procédure de transaction et programme de clémence. Cependant, l'application conjointe des deux procédures ne peut conduire à un cumul des taux de réduction, mais seulement à une application en cascade de ceux-ci.

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