Droit français de la concurrence
Les programmes de conformité aux règles de concurrence sont des outils permettant la prévention du risque d’infraction au sein de l’entreprise, mais aussi la détection et le traitement de l’infraction qui n’a pas pu être évitée. En vertu d'un Communiqué de procédure du 10 février 2012, complété par un document-cadre du même jour, l'Autorité de la concurrence se montrait disposée à récompenser par une réduction d'amende pouvant atteindre 20 % les entreprises qui, en complément de la non-contestation des griefs, s'engageaient à mettre en place un programme de conformité aux règles de concurrence. Néanmoins, dans un communiqué du 19 octobre 2017, relatif à la procédure de transaction et aux programmes de conformité, l'Autorité était revenue sur sa position : tout en réaffirmant l’importance qu’elle attachait aux programmes de conformité, elle estimait que leur élaboration et mise en oeuvre avaient vocation à s’insérer dans la gestion courante des entreprises, tout particulièrement lorsque celles-ci étaient de taille conséquente.
Le 24 mai 2022, l'Autorité de la concurrence a adopté un nouveau document-cadre consacré aux programmes de conformité. Dans le prolongement du communiqué de 2017, elle ne mentionne aucune possibilité de réduction d'amende au titre de la mise en oeuvre d'un tel programme, mais souligne qu'il permettra à l'entreprise d'éviter des risques financiers conséquents (sanction administrative, pénale et action en réparation du préjudice concurrentiel) et un risque réputationnel significatif. Le document-cadre témoigne de sa volonté de donner aux sujets du droit de la concurrence des points de repère et principes directeurs pour les guider dans la mise en place de leur programme de conformité, qui aura pour triple objectif de prévenir les risques d’infraction, se donner les moyens de détecter et de traiter les cas d’infraction qui n’ont pas pu être évités, prévoir des mises à jour régulières. Un programme de conformité ne saurait par conséquent se réduire à des mesures d'information sur la teneur des règles et la nécessité de les respecter : une telle démarche doit être complétée par un ensemble de mesures concrètes et effectives établissant que l’entreprise ou l’association d’entreprises s’investit de façon réelle et volontariste, à tous les niveaux hiérarchiques, pour faire vivre une culture de conformité aux règles de concurrence, détecter les cas de non-conformité et y apporter les réponses adéquates. Conçu “sur-mesure” par et pour l'entreprise, le programme doit s'adapter à ses marchés, activités et produits, à son organisation et sa culture internes, ainsi qu’à sa chaîne décisionnelle et à son mode de gouvernance. Il implique une analyse des risques et l’établissement d’une cartographie de ceux identifiés, qu'ils soient existants ou en germe. Le programme doit reposer sur cinq piliers : (i) un engagement public de l’entreprise, (ii) des relais et experts internes, (iii) une information, formation et sensibilisation des salariés, (iv) des mécanismes de contrôle et d’alerte, et (v) un dispositif de suivi et de mise à jour. L'Autorité recommande enfin aux entreprises de s'entourer des conseils d'experts externes, et en particulier d'avocats spécialisés en droit de la concurrence, aussi bien lors de la conception du programme que de sa mise en oeuvre, notamment au stade de la formation.