Les limitations à la liberté de circulation des personnes et des services que les États imposent indépendamment de la nationalité ne sont pas nécessairement contraires au Traité, mais doivent être appréciées à la lumière d'une règle de raison. Pour être admises, “les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions : qu'elles s'appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre”. Étant donné que les justifications sont avancées dans le cadre d'une règle de raison, elles doivent satisfaire aux conditions de causalité, de nécessité et de proportionnalité inhérentes à cette dernière. Seules les dérogations “raisonnables” sont tolérées.
La mesure doit être objectivement nécessaire. Elle doit tenir compte des obligations auxquelles le ressortissant est déjà soumis dans l'État membre dans lequel il est établi et ne pas dupliquer des contrôles déjà effectués dans le même État ou dans un autre État membre. Un besoin réel doit être démontré. Seules les mesures nationales propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent peuvent être justifiées.
Un lien de causalité entre la mesure restrictive et la raison impérieuse alléguée doit donc exister. Tel est le cas par exemple de la législation nationale qui soumet la délivrance d'autorisations d'établissement de nouvelles pharmacies dans une même zone géographique à des limites quantitatives par habitants pour assurer à l'ensemble de la population un accès approprié au service pharmaceutique, et augmenter la sûreté et la qualité de l'approvisionnement de la population en médicaments;
Enfin, même objectivement nécessaire, la mesure ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'objectif visé. Le critère de proportionnalité implique de vérifier que la protection de l'intérêt général n'aurait pas pu être assurée par des mesures moins restrictives de la liberté d'établissement ou de prestation de services.
Une législation nationale peut contraindre un opérateur à disposer à la fois d'une concession et d'une autorisation de police pour accéder au marché des jeux de hasard dès lors que cette obligation n'est pas disproportionnée au regard des objectifs de lutte contre la criminalité dans ce secteur ou d'extension contrôlée des activités de jeux de hasard. En revanche, la vérification des antécédents d'une personne ou d'une entreprise peut être assurée par une mesure moins contraignante que l'obligation de résidence. Lors du contrôle de la proportionnalité d'une réglementation restrictive, l'approche suivie par la juridiction nationale doit être non pas statique mais dynamique, en ce sens qu'elle doit tenir compte de l'évolution des circonstances postérieurement à l'adoption de cette réglementation.