L’article 110 TFUE : interdiction de la discrimination fiscale entre produits nationaux et importés
L'article 110 TFUE prohibe la discrimination fiscale des produits importés des États membres par rapport aux produits nationaux similaires. Les États membres conservent leur souveraineté fiscale, mais doivent s'abstenir d'adopter des impositions intérieures, directes ou indirectes, qui frappent de manière défavorable les produits importés des autres États membres. Le texte englobe ainsi l'interdiction de frapper les produits des autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (art. 110, paragr. 1) et celle de frapper les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions, c'est-à-dire des produits nationaux concurrents (art. 110, paragr. 2).
Les produits concernés par l’interdiction de l’article 110 TFUE
L'interdiction concerne les marchandises européennes, c'est-à-dire les produits originaires des États membres et les produits en libre pratique au sein d'un État membre. L'article 110 est en revanche inapplicable aux produits importés des pays tiers car le Traité ne comporte, pour les échanges avec ceux-ci, aucune règle analogue.
La notion d’imposition intérieure : définition et application
La notion d'imposition intérieure au sens de l'article 110, paragraphe 1er, interprétée largement, comprend les taxes frappant l'activité de l'entreprise, telle une taxe perçue sur les transports internationaux de marchandises par route en fonction de la distance parcourue sur le territoire national et du poids des marchandises en cause. La compatibilité d'une charge fiscale avec l'article 110, paragraphe 2, dépend de sa capacité à influencer le marché en cause en diminuant la Consommation potentielle des produits importés au profit des produits nationaux concurrents. Pour qu'une taxe soit licite, il ne faut pas qu'elle frappe le produit importé selon un mode de calcul ou des modalités différents de ceux utilisés pour le produit national similaire, tel un montant uniforme dans un cas et progressif dans l'autre, dès lors que l'imposition aboutit, même si seulement dans une minorité de cas, à des montants supérieurs pour le produit importé. Une imposition intérieure discriminatoire peut également être constatée lorsque la sévérité de la sanction de l'infraction au paiement d'une taxe varie selon qu'elle concerne des produits importés ou des cessions de biens à l'intérieur du pays. Lorsque le produit importé ne rencontre pas de production nationale similaire, l'interdiction des impositions intérieures joue aussi dès lors que la mesure frappe des catégories entières de produits nationaux ou étrangers se trouvant tous placés dans une situation comparable quelle que soit leur origine.
La prohibition des impositions discriminatoires et leur complémentarité avec l’interdiction des taxes d’effet équivalent
L'article 110 TFUE, paragraphe 2, prohibe la perception de toute imposition intérieure frappant un produit importé plus lourdement qu'un produit national concurrent, mais il n'est pas nécessaire que le rapport de concurrence soit direct : il peut n'être que partiel, indirect ou potentiel. Dès lors que des produits sont capables de satisfaire des besoins identiques, on doit admettre un certain degré de substitution entre eux.
La prohibition des mesures d'impositions intérieures discriminatoires et celle des taxes d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation ou à l'exportation (art. 28 et 30 TFUE) se complètent, mais ne se confondent pas. Il ne peut y avoir application cumulative des deux régimes. Selon la Cour de justice, lorsque la charge pécuniaire imposée unilatéralement par un État membre relève d'un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des produits nationaux et importés, elle relève du champ d'application de l'article 110 TFUE. La taxe d'effet équivalant à un droit de douane se distingue de l'imposition intérieure car elle concerne exclusivement le produit importé alors que l'imposition frappe à la fois des produits importés et nationaux.
Conditions d’identification d’une imposition intérieure et ses impacts
Dès lors que la taxe grève indifféremment les produits nationaux et les produits importés et est perçue systématiquement, selon des critères identiques, objectifs, appliqués indépendamment de leur origine et à un stade de production similaire, elle s'identifie à une imposition intérieure. Il faut que le fait générateur de l'impôt soit identique pour les deux produits, mais il n'est pas nécessaire qu'il existe un produit national identique ou similaire ; il suffit que le produit soit comparable. En revanche, une taxe intérieure constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, lorsque les modalités d'imposition ou d'affectation sont telles que la charge frappe en fait uniquement les produits importés à l'exclusion des produits nationaux. Le juge européen s'attache également à la destination des sommes perçues. La taxe indistinctement applicable mais exclusivement destinée à alimenter des activités profitant aux produits nationaux constitue une mesure d'imposition intérieure lorsque son affectation ne compense que partiellement la charge fiscale supportée par le produit national, et une taxe d'effet équivalent si la compensation est intégrale.
Influence de la qualification sur la légalité de la taxe
Outre qu'elle ne concerne que les produits importés, la taxe d'effet équivalent a pour caractéristique essentielle d'être perçue lors du passage d'une frontière, alors que l'imposition vise les produits importés, nationaux ou exportés, indépendamment d'un tel franchissement.
La qualification exerce une influence sur la sanction dans la mesure où la taxe d'effet équivalent, qui permet une compensation intégrale de la charge fiscale, est illégale dans son intégralité, alors que l'imposition intérieure, dont la compensation est seulement partielle, demeure licite mais doit faire l'objet d'une réduction proportionnelle à cet avantage.