L'article 102 TFUE prohibe les réductions de prix ou autres avantages qui entraînent un effet d'exclusion. Il en va ainsi, notamment :
- des remises de couplage, c'est-à-dire les réductions de prix accordées par une entreprise en position dominante sur le marché d'un produit dit “liant”, considéré comme indispensable, au titre de l'achat de ce produit avec un autre, dit produit “lié”; de telles remises ont pour effet de permettre à une entreprise en position dominante sur un marché donné de renforcer sa position sur un autre marché ;
- des remises de fidélité, c'est-à-dire des réductions de prix qui visent à dissuader leurs bénéficiaires de diversifier leurs sources d'approvisionnement, sans être liées aux volumes d'achats effectués ;
- des remises de parts de marché, c'est-à-dire des réductions de prix calculées en fonction du pourcentage des achats effectués auprès de l'entreprise en position dominante par rapport à ceux effectués auprès de ses concurrents ;
- des remises de la tranche supérieure, c'est-à-dire des remises substantielles destinées à encourager les clients à acheter à l'entreprise dominante non seulement leur tonnage “normal" mais également le tonnage marginal ou “tranche supérieure”, qu'ils auraient pu se procurer - ou se seraient sinon procurés - auprès d'un autre fournisseur ;
- des remises d'objectifs, c'est-à-dire des réductions de prix calculées en fonction de l'augmentation des achats réalisés sur une certaine période et étroitement liées aux besoins totaux des clients, et non aux seuls excédents réalisés une fois les objectifs atteints.
Le Tribunal de l'Union distingue trois catégories de rabais : les rabais quantitatifs, liés au volume des achats effectués, les rabais d'exclusivité dont l'octroi est lié à une condition d'approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif, et les rabais dont l’octroi n'est pas lié à un approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif, mais qui peuvent revêtir un effet fidélisant. Les rabais d'exclusivité ont, par leur nature même, la capacité de restreindre la concurrence. Il est dès lors inutile d'établir un effet potentiel d'éviction au vu des circonstances : en octroyant des rabais d’exclusivité, l'entreprise dominante peut utiliser son pouvoir économique sur la part non disputable de la demande du client comme un levier pour s'approprier la part disputable et ainsi barrer l’accès au marché au concurrent. Il n'est pas non plus nécessaire, en principe, d'examiner si le système de rabais contraint le concurrent aussi efficace à facturer des prix négatifs. Un système de rabais rétroactifs qui confère la possibilité à tous les clients d'une entreprise en position dominante d'obtenir la même remise en fonction de leurs achats cumulés au cours d'une année, sans les lier par une obligation formelle d'exclusivité, est de nature à fidéliser les clients de l'entreprise et à attirer ceux de ses concurrents, et à aspirer à son profit la partie de la demande soumise à concurrence sur le marché pertinent, l'effet d'aspiration étant d'autant plus fort lorsque les rabais s'appliquent indistinctement à la partie disputable et non-disputable de la demande.
En revanche, lorsqu'une entreprise en position dominante soutient, au cours de la procédure administrative, preuves à l'appui, que le système de rabais de fidélité qu'elle a mis en oeuvre, n'a pas eu la capacité de restreindre la concurrence, la Commission se doit non seulement d'apprécier l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais aussi l'existence éventuelle d'une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces. Dans cette hypothèse, le recours au test du concurrent aussi efficace - "as efficient competitor test” (AEC) - est déterminant pour apprécier la capacité d'un système de rabais de fidélité relevant en principe de l'interdiction de l'article 102 TFUE, de produire un effet d'éviction de concurrents aussi efficaces.