Droit européen de la concurrence
Définition et régime juridique des entreprises communes dans l'UE
Qu'est-ce qu'une entreprise commune ?
Selon l'article 3, paragraphe 4, du règlement 139/2004, “la création d'une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome constitue une concentration au sens du paragraphe 1, point b)”.
Critères pour une entreprise commune de "plein exercice"
Pour être soumise au contrôle des concentrations, l'entreprise commune doit, selon la communication 2008-C 95-01, être de “plein exercice”. La coordination du comportement des fondateurs est sans incidence sur la qualification de l'entreprise commune elle-même, mais peut être appréciée par la Commission, dans le cadre du contrôle des concentrations, au regard de l'article 101 TFUE.
Pour être de “plein exercice”, l'entreprise commune “doit posséder un personnel d'encadrement”, “avoir accès à toutes les ressources nécessaires”, accomplir “de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome" et “jouer un rôle actif sur le marché” indépendamment de ses sociétés mères. Si ces conditions sont satisfaites, l'entreprise commune, qualifiée de “concentrative”, relève du contrôle des concentrations, les éléments de coordination présents étant appréciés au regard des règles relatives aux ententes. Dans le cas contraire, la création de l'entreprise commune, dite dès lors “coopérative”, est évaluée dans le cadre du droit des ententes exclusivement.
Exigences fonctionnelles et autonomie de l'entreprise commune
Moyens et fonctionnement de l'entreprise commune
L'entreprise commune doit avoir les moyens d'assumer ses fonctions. Ainsi, une entreprise commune n'est pas une entité économique autonome lorsque l'accord ne permet pas d'envisager un transfert des capitaux et du savoir-faire nécessaires pour exercer son activité à l'issue d'une période de démarrage, alors qu'elle utilise le personnel, les locaux et l'équipement de conditionnement d'une de ses sociétés mères. En revanche, le fait que les sociétés fondatrices conservent la propriété des ressources de l'entreprise commune qu'elles ont constituée par intégration de leurs activités ne fait pas obstacle à la qualification d'entreprise commune de plein exercice si elles se sont retirées du marché.
Durabilité et autonomie fonctionnelle
L'entreprise commune doit pouvoir fonctionner de manière durable. Ainsi, l'entreprise commune dont la pérennité est assurée, en l'absence de clause de dissolution anticipée, constitue une entreprise de plein exercice contrairement à celle qui sera dissoute dès la réalisation de ses objectifs, dans un délai de trois ans. Lorsque son traité de constitution ne fixe pas de durée de vie, une entreprise commune peut donc être considérée comme étant de plein exercice.
L'entreprise commune doit, pour être de plein exercice, exercer toutes les fonctions d'une entité économique autonome, sans toutefois qu'il soit nécessaire qu'elle jouisse d'une autonomie pour ce qui concerne l'adoption des décisions stratégiques. L'entreprise commune est dépourvue d'autonomie fonctionnelle lorsqu'elle ne reprend qu'une fonction spécifique de ses mères sans accéder au marché. L'autonomie suppose que l'entreprise commune ne dépende pas de ses entreprises fondatrices, qui ne doivent pas demeurer présentes sur le marché.
Évaluation de la coordination et des risques anticoncurrentiels
Risque de coordination et contrôle des concentrations
Les sociétés fondatrices peuvent cependant agir en qualité d'intermédiaires pour le compte de l'entreprise commune dès lors qu'elles se sont retirées du marché et lui ont transféré les tâches opérationnelles et administratives et la charge des risques commerciaux.
Si le risque de coordination du comportement concurrentiel entre entreprises fondatrices ou entre ces dernières et l'entreprise commune ne conditionne plus la qualification de l'opération, il continue d'être apprécié dans le cadre du contrôle des concentrations pour mieux évaluer les risques anticoncurrentiels attachés à la création d'une entreprise commune de plein exercice.
Appréciation de la restriction de concurrence
La coordination susceptible de faire tomber l'entreprise commune sous le coup de l'article 101 TFUE s'apprécie d'abord et pour l'essentiel dans les rapports entre fondateurs, la coordination entre les entreprises fondatrices et l'entreprise commune n'étant prise en considération que dans la mesure où elle permet ou renforce la coordination entre fondateurs. Pour entraîner une restriction de concurrence, la création de l'entreprise commune doit avoir pour objet ou effet la coordination du comportement des entreprises fondatrices, ou la coordination doit être la conséquence probable de la création de l'entreprise commune. La coordination peut notamment résulter de la présence des fondateurs sur un même marché de produits et géographique, de l'existence de liens de coopération, de la présence des fondateurs sur les marchés situés en amont ou aval de celui de l'entreprise commune ou sur un marché voisin. En revanche, le risque de coordination entre fondateurs est quasi inexistant si l'entreprise commune exerce de nouvelles activités que n'exerçaient pas les fondateurs ou lorsque ceux-ci se retirent du marché de l'entreprise commune et à la condition que les sociétés mères ne demeurent pas des concurrents potentiels de l'entreprise commune. De même, le risque de coordination est très faible lorsque seul l'un des fondateurs demeure présent sur le même marché que l'entreprise commune. Tel est le cas lorsque l'une des sociétés mères assure la direction de l'entreprise commune et que l'autre fondateur ne conserve aucun intérêt stratégique sur le marché concerné.
De façon générale, la Commission applique un seuil de sensibilité aboutissant à exclure le risque de coordination lorsque les fondateurs ne maintiennent qu'une présence limitée sur le marché de l'entreprise commune ou sur un marché proche ou lorsque cette présence n'aurait en toute hypothèse qu'un faible effet sur la concurrence dès lors que le marché se caractérise par une forte croissance et de faibles barrières à l'entrée et/ou du fait de la faiblesse de la part de marché contrôlée par les entreprises fondatrices sur le marché concerné ou les marchés amont, aval ou connexe.