La résolution judiciaire : un mode de résolution historique et encadré
La résolution judiciaire, principal mode de résolution sous l'empire de l'ancien article 1184 du Code civil, constitue la dernière possibilité de mettre fin au contrat visée à l'article 1224 du Code civil en cas d'inexécution grave.
Cadre légal avant la réforme du droit des contrats
Avant la réforme du droit des contrats, l'ancien article 1184 du Code civil prévoyait : “La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances”. Le texte de l'article 1184 n'étant pas d'ordre public, un contractant pouvait cependant renoncer par avance au droit de demander la résolution judiciaire d’une vente par une clause de renonciation si celle-ci était non équivoque, compréhensible pour un profane, et rédigée de manière claire, précise et non ambiguë. Pour justifier le prononcé de la résolution judiciaire de la vente, la jurisprudence requerrait alors une inexécution grave dont l'appréciation relevait du pouvoir souverain des juges du fond.
Application dans les contrats de vente
Dans le cadre du contrat de vente, la résolution judiciaire pouvait être prononcée aux torts exclusifs du débiteur de l'obligation inexécutée, pris en la personne de l'acheteur comme du vendeur. L'acquéreur, qui ne réglait pas le prix convenu, ou qui n'avait pas retiré la marchandise avant l'expiration du délai de rigueur stipulé au contrat pouvait ainsi voir la résolution prononcée à ses torts. Réciproquement, la vente pouvait être résolue aux torts du vendeur lorsque celui-ci manquait à son obligation d'information ou de conseil ou à son obligation de délivrance, en ce compris la délivrance d'une chose conforme à la chose convenue. Si le créancier de l'obligation inexécutée n'était pas fondé à obtenir la résolution judiciaire en cas d'inexécution insuffisamment grave, il en allait différemment lorsque l'inexécution était imputable aux deux parties. Dans ce cas, le juge pouvait prononcer la résolution aux torts réciproques.
Application dans les contrats d’entreprise
Dans le cadre du contrat d’entreprise, l'entrepreneur qui manquait à son obligation de résultat de livrer et installer une charpente conforme aux stipulations contractuelles commettait une inexécution suffisamment grave pour entraîner le prononcé de la résolution du contrat à ses torts exclusifs. La résolution judiciaire se justifiait également lorsque les travaux exécutés ne l'avaient pas été dans les règles de l'art et devaient être totalement repris. Inversement, dès lors que le maître de l’ouvrage manquait à son obligation de déterminer une implantation qui devait permettre la réalisation de l’ouvrage dans les termes convenus et que ce manquement constituait la cause exclusive du retard, puis de l’abandon du chantier, la gravité de sa faute était établie et justifiait la résolution du contrat à ses torts exclusifs. La résolution pouvait également être prononcée aux torts réciproques des parties, à condition toutefois que les manquements respectifs des parties à leurs obligations aient causé à chacune d'elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale entre les dommages-intérêts auxquels elles pouvaient réciproquement prétendre.
Évolution et cadre légal actuel de la résolution judiciaire
Désormais, aux termes de l'article 1227 : “La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice”. Le créancier peut donc saisir le juge “pour solliciter la résolution du contrat, même si une clause résolutoire a été prévue au contrat, ou même si une procédure de résolution par notification a été engagée”, ou encore en cas d'inexécution grave, comme le prévoit l'article 1224. Par inexécution grave, il ne faut pas entendre nécessairement “inexécution fautive”, selon la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Ce texte est complété par l'article 1228 qui dispose : “Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts”. En cas de résolution par voie judiciaire, la fin du contrat prend effet “ soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice ” (art. 1229 C. civ.)