Afin d'assurer l'effet utile de l'obligation préalable de notification et permettre à la Commission d'apprécier la compatibilité de l'opération tout en évitant de paralyser trop longtemps l'activité des entreprises concernées, le règlement 139/2004 prévoit, pendant une période relativement brève, en principe un mois (dix jours supplémentaires peuvent être accordés à la Commission lorsque les parties proposent des engagements), la suspension de l'opération de concentration. Selon l'article 7, paragraphe 1, l'opération ne peut être réalisée ni avant d'être notifiée, ni avant d'avoir été déclarée compatible à la suite de l'examen préliminaire ou du contrôle au fond. Le principe de suspension de l'opération de concentration supporte deux dérogations : l'une existe de plein droit et concerne de façon spécifique les offres publiques d'achat ou d'échange ou les opérations par lesquelles le contrôle est acquis par l'intermédiaire de plusieurs vendeurs au moyen d'une série de transactions sur titres, à condition que l'acheteur n'exerce pas les droits de vote attachés aux participations acquises (art. 7, paragr. 2) ; la seconde, sur demande, est subordonnée à une décision de la Commission qui, lorsqu'elle se prononce, “doit prendre en compte notamment les effets que la suspension peut produire sur une ou plusieurs entreprises concernées par l'opération de concentration ou sur une tierce partie, et la menace que la concentration peut présenter pour la concurrence” (art. 7, paragr. 3). En l'absence de dérogation, le fait d'exercer une influence déterminante sur la cible, même en l'absence de tout transfert d'actifs et des droits associés, dès la notification de la concentration, avant son autorisation, constitue une pratique de "gun jumping”, tombant sous le coup de la prohibition.
Les entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, réalisent une opération de concentration pendant sa période de suspension encourent des amendes pouvant s'élever jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires total (art. 14, paragr. 2), ainsi que des astreintes jusqu'à concurrence de 5 % de leur chiffre d'affaires total journalier moyen (art. 15, paragr. 1). Quant aux sanctions civiles, elles sont définies à l'article 7, paragraphe 4, du règlement, qui dispose que la validité des transactions qui seraient réalisées en contravention de la suspension dépend de la décision prise par la Commission lors de l'examen préalable ou définitif de l'opération de concentration. Si cette décision est une décision de compatibilité, les transactions sont déclarées valables rétroactivement ; si c'est une décision d'incompatibilité, elles ne sont pas automatiquement annulées, leur statut dépendant des mesures ordonnées par la Commission pour rétablir une concurrence effective sur le marché ; avant qu'une décision de compatibilité ou d'incompatibilité n'intervienne, l'exécution de ces transactions devrait être suspendue.