Le comportement anticoncurrentiel reproché à Google
Google avait pour objectif de faire installer son moteur de recherche par défaut dans les appareils électroniques de différentes entreprises, notamment Apple et Samsung.
Pour ce faire, Alphabet a dépensé 26 milliards de dollars en 2021 lors de la conclusion d’accords de distribution exclusifs, privant ainsi ses concurrents de l’accès à ces appareils. Aujourd’hui, Google détient, grâce à son moteur de recherche, 90% des parts de marché de la recherche internet à l’échelle mondial et plus de 95% des recherches réalisées sur smartphone.
Par ce contrôle exclusif, Google a recueilli de nombreuses données des internautes, lui procurant une position avantageuse vis-à-vis des annonceurs publicitaires. Cela lui a permis :
- d’augmenter les prix des espaces publicitaires proposés aux annonceurs ;
- de consacrer plus de temps au développement de son moteur de recherche.
Cette pratique a donc été jugée comme pouvant avoir un impact néfaste sur l’innovation.
La position dominante de Google
Il a dès lors été jugé que Google détenait une position dominante sur deux marchés :
- Les moteurs de recherche généraux ;
- La publicité textuelle pour les moteurs de recherche généraux.
Le juge Mehta retient dans son opinion que l’entreprise a conservé de manière illégale son monopole par ces accords exclusifs en :
- Bloquant une part substantielle desdits marchés ;
- Privant les concurrents de données des utilisateurs suffisante pour concurrencer Google ;
- Dissuadant les concurrents à investir et à innover sur lesdits marchés.
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Une décision historique
Le juge Mehta affirme en effet, dans cette décision de 286 pages dont nombreux louent la clarté du raisonnement et qui vient clore un procès ouvert en septembre 2023, que :
« après avoir étudié attentivement les témoignages et les preuves, la cour est arrivée à cette conclusion : Google est un monopole et il a agi de manière à maintenir ce monopole ».
Il ajoute, par ailleurs, que :
« Les accords de distribution signés par Google préemptent une part importante du marché des moteurs de recherche et privent ses rivaux d'opportunités pour venir le concurrencer ».
Le renversement d’un traitement américain traditionnellement favorable aux géants du net
L’Antitrust américain ne sanctionne que très rarement les multinationales technologiques. Cette décision est rendue plus de 20 ans après la condamnation de Microsoft dans les années 1990 pour abus de position dominante de son système d’exploitation Windows.
Elle ouvre la voie à une tendance judiciaire en défaveur des géants du numérique. Sachant que la département de la Justice américain a lancé plusieurs procédures dénonçant les comportements concurrentiels d’autres géants du numériques tels que Meta, Amazon ou encore Microsoft, l’actualité juridique sera à suivre avec attention outre-Atlantique.
Une discussion actuelle sur les sanctions
Dans le système américain, la décision de condamnations est suivie d’une décision statuant sur les remedies. Les juges américains pourraient aller jusqu’à imposer à Google de revendre son système d'exploitation pour smartphones Android et donc de démanteler le groupe, ou contraindre l'entreprise à partager les données recueillies aux entreprises concurrentes.
Google a déjà annoncé vouloir faire appel de cette décision par l’intermédiaire de son président des affaires publiques, Kent Walker, qui affirme que :
“Cette décision reconnaît que Google offre le meilleur moteur de recherche, mais conclut que nous ne devrions pas être autorisés à le rendre facilement accessible”
Le juge Mehta a demandé aux parties, le Ministère de la justice et Google, de soumettre une proposition d’ici le 4 septembre prochain.