En mai dernier, le premier traité international sur l’intelligence artificielle a été adopté par le Comité sur l’intelligence artificielle. Cette convention-cadre à vocation internationale vise à encadrer les usages de cette technologie tout en protégeant les droits fondamentaux et en assurant une innovation responsable.
Un cadre juridique novateur et contraignant
Une première mondiale dans le domaine de l’IA, le traité signé repose sur un instrument juridique contraignant. Cet accord, longuement discuté et négocié, se distingue par son accent sur les droits de l’homme, la protection des données personnelles et la transparence des systèmes d’IA.
Contrairement à d'autres textes comme la loi européenne sur l’IA (IA Act), qui se concentre principalement sur l’harmonisation du marché et la protection des consommateurs, ce traité à une vocation éthique et globale.
Une telle initiative trouve sa source dans le travail du Conseil de l’Europe, organisation internationale dédiée à la promotion des droits de l’Homme et de la démocratie. En 2019, un comité ad hoc a commencé à examiner l’opportunité d’une convention sur l’IA.
Ce travail s’est concrétisé en 2022 par la création d’un comité chargé de rédiger le texte final, qui a finalement été adopté en mai 2024 après des négociations avec 57 pays dont 46 Etats-membres du Conseil de l’Europe.
Une IA centrée sur l’humain
L’essence même de cette convention repose sur une vision de l’IA centrée sur l’humain. Elle engage les États signataires à adopter des mesures pour garantir la transparence, la fiabilité et la sécurité des systèmes d’IA notamment en ce qui concerne l’identification des contenus créés.
Les parties signataires devront également veiller à ce que l’IA respecte les droits fondamentaux et ne porte pas atteinte aux processus démocratiques.
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Portée internationale et acteurs concernés
Le traité s’applique à la fois aux acteurs publics et aux acteurs privés agissant pour leur compte. Les entreprises développant ou utilisant des systèmes d’IA sont donc, en principe, également tenues de respecter ces nouvelles obligations légales.
Toutefois, les acteurs privés ne sont pas soumis de la même manière aux règles du traité. Chaque pays doit décider si le secteur privé est directement couvert ou non par la convention, ce qui peut laisser présager une grande différence de traitement entre les différents acteurs.
Même si le texte ne s’applique pas aux projets de recherche et développement, il a vocation à couvrir un large spectre d’activités liées à l’intelligence artificielle.
Plusieurs pays ont déjà signé ce traité, notamment le Royaume-Uni, Israël, les États-Unis, ainsi que des membres de l’Union européenne comme la Norvège, la Moldavie et la Géorgie. Toutefois, certains pays, comme la Suisse, n'ont pas encore apposé leur signature, préférant évaluer les conséquences législatives avant de s’engager.
Vers une entrée en vigueur rapide
Pour entrer en vigueur, le traité nécessite la ratification par au moins cinq États, dont trois membres du Conseil de l’Europe. Une fois ce seuil atteint, le traité prendra effet trois mois et un jour après la ratification. En cas de non-respect des dispositions du traité, les États signataires ou les individus dont les droits auront été violés pourront saisir la Cour européenne des droits de l’homme.
Ce traité marque une étape importante dans la gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle. Il établit non seulement un cadre juridique pour encadrer cette technologie en pleine expansion, mais il met également l’accent sur la nécessité d’une innovation responsable et d’une protection rigoureuse des droits fondamentaux à l’échelle internationale.