Les comptes prévisionnels sont les prévisions chiffrées de résultats susceptibles d'être atteints par l'exploitation de la franchise que le franchiseur remet souvent au candidat pour le déterminer à contracter. Ni l'article L. 330-3, ni l'article R. 330-1 du Code de commerce n'imposent la fourniture d'une telle information. Ceci s'explique par la qualité de commerçant indépendant du franchisé, tenu d'assumer ses propres risques et de prendre en main la réussite de son exploitation. Le franchiseur qui communique volontairement des comptes prévisionnels s'expose à un risque, dès lors que la réussite d'une activité ne dépend pas seulement de l'originalité et des particularités d'un concept, mais aussi de l'implication et des qualités du franchisé, ainsi que de la conjoncture et de l'évolution des facteurs locaux de commercialité toujours difficiles à prévoir et à maîtriser. Lorsqu'un compte d'exploitation prévisionnel est fourni, le franchiseur peut toujours, quel que soit le sérieux avec lequel il a été établi, se voir reprocher la non-atteinte des résultats promis. L'abondance de la jurisprudence devrait inciter les franchiseurs à la prudence lors de la fourniture d'une information que la loi n'exige pas. Le franchiseur qui établit une étude prévisionnelle doit le faire “de manière sincère, sur des bases aussi sérieuses, exactes et objectives qu'il est possible”.
La transmission de comptes prévisionnels ou d'études dénués de sérieux, exagérément optimistes, réalisés avec légèreté, indépendamment des spécificités de la localisation du fonds en termes de fréquentation et de concurrence directe, ou qui présentent un caractère approximatif et révèlent un défaut de prudence, est susceptible d'entraîner la nullité du contrat de franchise ou d'engager la responsabilité civile du franchiseur. Des projections réalisées sur la base de résultats obtenus par le seul franchisé pilote, par un franchisé situé sur un segment plus haut de gamme, par une infime partie des franchisés du réseau, par 10 % de magasins succursalistes au cours de leur quatrième ou cinquième année d'activité ou qui occultent les difficultés de certains franchisés peuvent être jugées constitutives de dol. Si les comptes prévisionnels doivent être réalistes, le seul fait de ne pas avoir atteint les résultats prévus ne suffit pas à justifier l'annulation du contrat. Il faut en outre que les comptes n'aient pas été présentés comme purement indicatifs ou, si tel est le cas, qu'ils soient dénués de caractère sérieux. La marge d'incertitude qui s'attache à toute projection doit avoir été largement dépassée. En revanche, l'annulation du contrat ne se justifie pas lorsque les prévisions ont été réalisées par d'autres membres du réseau établis dans des villes comparables ou que l'écart avec les réalisations effectives du franchisé est peu significatif.
Pour limiter le risque juridique, les franchiseurs délèguent désormais de plus en plus souvent aux franchisés la tâche d'établir eux-mêmes leurs comptes prévisionnels, voire l'étude du marché local. De fait, le caractère irréaliste du prévisionnel ne peut être invoqué lorsqu'il a été calculé par le franchisé et validé par le franchiseur à partir de données utiles et pertinentes, tel que le chiffre d'affaires réalisé par l'ancien distributeur de la marque dans la même ville, réactualisé pour tenir compte du coût de la vie courante. La jurisprudence estime généralement que des comptes prévisionnels non contractuels n'engagent pas la responsabilité du franchiseur dès lors qu'il appartient au candidat d'établir ses propres prévisions en y intégrant les informations qu'en tant qu'opérateur avisé il peut recueillir auprès des autres membres du réseau. Cependant, sur le fondement de l'erreur sur la rentabilité, la Cour de cassation a estimé que la remise d'un compte d'exploitation prévisionnel exagérément optimiste élaboré sur la base de données erronées et non significatives dont le franchiseur n'a pas vérifié la cohérence, entraîne la nullité du contrat, même s'il a pris soin de faire reconnaître au candidat que les résultats annoncés ne sont pas garantis et qu'un décalage, même important, entre ses réalisations effectives et les estimations prévisionnelles ne pourrait constituer un motif de remise en cause de son engagement contractuel. Enfin, aucun dol ne peut être reproché au franchiseur qui n'a pas remis de comptes prévisionnels au candidat, mais seulement fait état sur son site Internet d'une estimation de chiffre d'affaires réalisable après deux ans d'activité, communiqué de simples objectifs, ou des moyennes de chiffres d'affaires réalisés par les autres membres du réseau.