Évolution jurisprudentielle et principe de fixation du prix
La détermination du prix dans les contrats-cadres a donné lieu à un abondant contentieux auquel l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a mis fin par plusieurs arrêts en date du 1er décembre 1995. Avant ces décisions, la jurisprudence exigeait que le prix des marchandises soit déterminé ou déterminable dès la conclusion du contrat, et ce, à peine de nullité absolue. Depuis les arrêts de 1995, il est admis que le prix peut être fixé unilatéralement par le fournisseur, dès lors que cette fixation n'est pas abusive. L'abus dans la fixation du prix ne donne lieu qu'à résiliation ou indemnisation. C'est dire que la fixation du prix n'est plus une condition de formation du contrat, mais une modalité d'exécution de celui-ci. L'indemnisation est préférée lorsque la remise des choses en l'état antérieur aux ventes annulées est impossible.
Modalités de fixation du prix
Depuis lors, le prix des marchandises peut valablement être fixé par renvoi au tarif du fournisseur, ou être déterminé par un tiers, souvent un expert, notamment en cas de contestation par l'une des parties. Il peut s'agir d'un prix plafond fixé en fonction de l'offre concurrente, du prix du marché ou d'un prix révisable en fonction de la moyenne d'indices publiés, précisément déterminés.
Critères d'appréciation de l'abus dans la fixation du prix
L'appréciation de l'abus peut se faire selon deux critères : objectif ou subjectif. Une analyse objective de l'abus s'apparente davantage à une approche économique de la relation distributeur/fournisseur, alors que l'analyse subjective ne s'attache qu'aux péripéties de la relation contractuelle. Ces approches apparemment contradictoires sont en réalité complémentaires. Lorsque le juge se livre à l'appréciation de l'abus, il confronte le prix pratiqué par le fournisseur au prix du marché. Dans cette version atténuée de la lésion, le prix est jugé abusif s'il excède sensiblement les prix habituellement pratiqués. Pour déterminer le prix moyen, il doit être tenu compte des éléments objectifs de fixation du prix, tels que la qualité des produits, la notoriété de la marque, l'assistance du fournisseur, l'importance des campagnes publicitaires. Ainsi, il n'y a pas abus dans la fixation du prix ni potestativité lorsque ce prix est fixé par référence au tarif fournisseur tenant compte du prix de revient des marchandises.
Approche concurrentielle du prix
Cette approche concurrentielle du prix suppose qu'existe un marché de référence, reposant sur des données économiques précises et vérifiables. Toutefois, si l'écart entre le prix du marché et le prix exigé par le distributeur constitue un indice d'abus, il n'en établit pas la preuve absolue. Une faute du fournisseur doit être à l'origine du déséquilibre. Selon la Cour d'appel de Paris, le niveau des prix défini par le fournisseur ne traduit l'existence d'un abus que s'il caractérise une disproportion manifeste source de déséquilibre au regard de l'économie du contrat.
Approche subjective de l'abus
D'un point de vue subjectif, l'abus consiste en une faute commise lors de l'exécution du contrat. Il doit être retenu chaque fois que le fournisseur fixe les prix dans son seul intérêt, au détriment de son cocontractant et en contradiction avec les prévisions initiales. Dès lors, si le prix est librement négocié par les parties selon la loi du marché, en l'absence de position dominante et d'arbitraire du fournisseur, il n'y a pas d'abus. Le distributeur ne peut se prétendre contraint d'accepter toutes les modifications de prix décidées par le concédant lorsque le contrat lui offre une faculté de résiliation sous réserve de respecter un délai de préavis.
Consécration législative par l'ordonnance de réforme du droit des contrats
L'ordonnance de réforme du droit des contrats du 10 février 2016 a expressément consacré ces solutions en les intégrant au sein du nouveau titre III du Code civil. Ainsi, en vertu du nouvel article 1164, “dans les contrats-cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation”. Le texte ajoute qu' “en cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat”.