Définition et portée du devoir de conseil
Le devoir de conseil constitue l'obligation la plus contraignante pour le vendeur professionnel. Le devoir de conseil suppose, comme l'ont souligné les juges, une incitation, une recommandation, une orientation de choix et même une préconisation de la solution qui semble la plus adaptée au regard des attentes exprimées par le client. Il oblige le vendeur, en particulier lorsqu'il est installateur de la chose acquise, à attirer l'attention de l'acheteur sur l'opportunité même de contracter et à orienter activement son choix, quitte à lui déconseiller d'acheter le produit sur lequel il a porté sa préférence pour lui en recommander un plus adapté. Le vendeur qui assure lui-même l'installation du matériel manque à son obligation de conseil en n'informant pas le client de l'inefficacité du bien vendu au regard de l'objectif poursuivi. Selon la Cour de cassation, le vendeur de matériau doit attirer l'attention de l'acheteur profane sur les inconvénients inhérents à la qualité du matériau choisi ainsi que les précautions à prendre pour sa mise en oeuvre compte tenu de l'usage auquel ce matériau est destiné. Même s'il doit fournir à l'acheteur une information suffisante sur son produit, le vendeur n'en est pas pour autant tenu à un devoir de conseil en ce qui concerne les solutions concurrentes.
Conditions pour un conseil adapté aux besoins de l’acheteur
En pratique, le vendeur doit, avant la conclusion du contrat, “ s'enquérir des besoins de son acheteur et l'informer tant sur les contraintes techniques relatives au matériel vendu que sur l'aptitude de celui-ci à atteindre le but recherché ”, car pour satisfaire tant à son obligation d'information et de conseil qu'à son obligation de délivrance - la première étant souvent envisagée comme l'accessoire de la seconde -, le vendeur professionnel doit s'assurer que le produit commandé correspond aux besoins réels de l'acheteur et lui en garantir un usage normal. Pour pouvoir conseiller utilement son acheteur, le vendeur est tenu de se renseigner sur l'utilisation que son cocontractant souhaite faire de la chose, afin, le cas échéant, de procéder à son adaptation ou à sa mise au point.
Limites du devoir de conseil pour des besoins imprévus
Toutefois, il ne peut être reproché au vendeur de n'avoir pas conseillé à l'acheteur un équipement apte à répondre à des conditions d'utilisation qui n'étaient pas entrées dans les prévisions des parties et qui ont évolué, après la date de conclusion du contrat, en raison de l'augmentation importante et rapide du chiffre d'affaires de ce dernier. En effet, s'il est débiteur, en sa qualité de professionnel, d'une obligation de conseil concernant le choix de la solution informatique à mettre en œuvre, il appartient également à l'acquéreur de lui fournir, dans le cadre de sa propre obligation de collaboration, les spécificités de fonctionnement de son entreprise.
Évolution jurisprudentielle du devoir de conseil
Pendant un temps, les juges ont requis du vendeur, au titre de son devoir de conseil, la fourniture de renseignement juridique en lui imposant, par exemple, d'informer l'acheteur sur la nécessité d'obtenir une autorisation administrative avant de procéder à l'installation de la chose vendue, ou sur les conséquences juridiques pouvant découler de son achat. Mais la Cour de cassation est revenue sur sa position en retenant que le vendeur n'est tenu d'un devoir de conseil à l'égard de l'acheteur que dans les limites de son domaine de compétence technique.
Preuve et exclusions concernant le devoir de conseil
Enfin, le vendeur professionnel à qui il incombe de prouver qu'il s'est acquitté personnellement de son obligation de conseil ne saurait s'en exonérer en imposant à l'acheteur de s'entourer des conseils d'autres professionnels : le devoir de conseil demeure, même si l'acheteur est accompagné d'un installateur au moment de l'achat. Le devoir de conseil du vendeur professionnel à l'égard de l'acheteur profane subsiste, même si le contrat de vente prévoit une clause limitative de responsabilité. De même, lorsqu'un contrat de vente est conclu entre deux professionnels de spécialités différentes, le vendeur ne saurait invoquer utilement la clause d'exclusion de garantie contenue dans les conditions générales de vente pour s'exonérer de sa responsabilité au titre d'un manquement à son obligation de conseil.