Droit européen de la concurrence
La Commission, qui agit au nom de l'intérêt européen, n'a pas compétence pour indemniser les victimes de pratiques anticoncurrentielles. Celles-ci doivent, pour obtenir réparation du préjudice subi, saisir les juridictions de l'ordre interne. Toute personne est en droit de demander réparation du dommage direct ou indirect que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence lorsqu'il existe un lien de causalité entre le préjudice et la pratique litigieuse, à condition qu'elle n'ait pas pris une part significative dans la distorsion de concurrence. La Commission peut elle-même exercer une action en dommages-intérêts devant les juridictions nationales au nom des institutions de l'Union, victimes d'une entente de prix constatée par la Commission. La réparation doit comprendre non seulement le dommage réel mais aussi le manque à gagner et le paiement d'intérêts.
La question s'est posée, devant la Cour de justice, de la détermination du juge compétent pour connaître des actions en réparation introduites par le même requérant contre plusieurs sociétés établies dans des États membres différents à raison de leur participation à une entente unique et continue. Selon la Cour, de telles actions présentent un lien de connexité tel qu'il y a intérêt à les juger ensemble afin d'éviter des solutions inconciliables. La victime peut donc porter l'action devant le tribunal du domicile de l'une quelconque des co-participantes, même si elle conclut ultérieurement une transaction qui aboutit à son désistement à l'égard de cette dernière, mais pas des autres. Elle peut également saisir le tribunal du lieu de conclusion de l'entente ou d'un arrangement particulier sous-tendant cette entente ou celui du lieu de son propre siège social. Le cas échéant, en matière d'ententes, le juge peut être tenu par une clause attributive de juridiction à condition que celle-ci se réfère aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence et que la victime y ait consenti. Cette condition n'est pas exigée en matière d'abus de position dominante, car contrairement à la victime d'une entente, qui ne peut prévoir que son cocontractant est susceptible de se concerter avec des tiers, l'abus peut trouver sa source dans les relations contractuelles avec l'entreprise en position dominante, de sorte que l'application de la clause trouve nécessairement son origine dans le rapport de droit à l'occasion duquel elle a été convenue.
La méthode contrefactuelle qui peut être utilisée pour évaluer les dommages-intérêts consiste à comparer les résultats réalisés par l’entreprise qui se prétend victime de pratiques anticoncurrentielles pendant la période infractionnelle avec ceux qui auraient pu être obtenus en l’absence d’infraction. Lorsque la méthode contrefactuelle d’évaluation du préjudice dite “avant-après” est mise en oeuvre, elle doit reposer non sur des données hypothétiques, mais sur les prix réels du marché et tenir compte des facteurs de prix exogènes à l’impact de l’entente.