Certains secteurs présentent un caractère spécial parce que le droit de la concurrence ne s'y applique pas, ou pas avec la même intensité qu'ailleurs. Parfois, le Traité prévoit lui-même, pour des raisons de politique générale, nationale ou “commune”, de véritables exceptions à l'application des règles de concurrence, comme dans le cas des industries de défense ou de l'agriculture. Dans d'autres hypothèses, c'est la logique économique du secteur qui entraîne l'application de tempéraments, comme dans le domaine des transports, où l'activité appelle, pour des raisons d'efficacité, à une coordination importante des comportements des entreprises. L'application des règles de concurrence peut aussi être modulée, non par volonté d'y soustraire le secteur économique concerné, mais tout au contraire de l'y soumettre progressivement. Dans ce cas, le régime spécial constitue un instrument de libéralisation d'un secteur traditionnellement monopolisé. Dans les industries dites de réseau - transports ferroviaires, énergie, postes et communications électroniques -, la théorie du monopole naturel cède ainsi progressivement du terrain au bénéfice du marché.
On considère aujourd'hui que si, dans ces secteurs, les infrastructures essentielles peuvent continuer de relever du monopole, les conditions d'accès au réseau doivent en revanche être ouvertes à la concurrence sous le contrôle d'autorités nationales de régulation, une obligation de service universel étant imposée aux fournisseurs de ces services essentiels.
1) Industries de défense
L'article 346, paragraphe 1, b) TFUE prévoit que “tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce des armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires”. Cette disposition, qui ne peut être invoquée que par les États membres et non par les entreprises, doit, comme toute exception, être interprétée strictement : les règles de concurrence s'appliquent lorsque des produits sont susceptibles d'un double usage, à la fois civil et militaire.
2) Agriculture
L'article 39 TFUE dispose que l'application des règles de concurrence ne saurait faire obstacle à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune. Par application de ce principe, l'article 42 TFUE prévoit que “Les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil”. Selon le règlement 1184/2006, la prohibition des ententes est inapplicable aux “accords, décisions et pratiques […] qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du Traité”.
La Cour de justice a précisé que pour échapper à l'article 101 TFUE, des pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques doivent ainsi être convenues entre membres d'une même organisation de producteurs reconnue par un État membre et être strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs qui lui sont assignés. En revanche, la fixation collective de prix minima de vente au sein d'une organisation de producteurs ne peut être considérée comme étant proportionnée aux objectifs de régularisation des prix ou de concentration de l'offre prévus par une organisation commune du marché, lorsqu'elle ne permet pas aux producteurs qui écoulent eux-mêmes leur propre production de pratiquer un prix inférieur à ces prix minima.
3) Transports
L'article 100, paragraphe 1, TFUE prévoit que les transports par chemin de fer, par route et par voie navigable sont régis par le Titre VI du Traité. Le paragraphe 2 confère au Parlement européen et au Conseil statuant conformément à la procédure législative ordinaire le pouvoir d'"établir les dispositions appropriées pour la navigation maritime et aérienne". Le règlement 17/62 avait soustrait le secteur des transports de son champ d'application et soumis chaque type de transports terrestre, maritime et aérien à des règlements spécifiques. Le règlement 1/2003 n'a laissé subsister que les dispositions substantielles de ces règlements spécifiques et a supprimé les règles procédurales particulières.
La politique actuelle de la Commission consiste à mettre fin progressivement aux exemptions dans le domaine des transports et à adopter des directives de libéralisation.
4) Électricité et gaz
Les directives électricité et gaz posent toutes deux le principe de la distinction entre entreprises propriétaires de réseaux ou d'installations de transport et de stockage et entreprises gestionnaires de réseau, ce qui implique une dissociation des entités dans le cas d'entreprises verticalement intégrées. L'ouverture à la concurrence entre les fournisseurs d'électricité ou de gaz est totale, pour les entreprises, depuis le 1er juillet 2004, et pour les autres usagers, depuis le 1er juillet 2007. L'accès au réseau doit être garanti sur une base non discriminatoire, le bon fonctionnement du marché étant assuré par des autorités indépendantes de régulation.
5) Postes et communications électroniques
Les directives télécommunications ont pour objectif d'assurer un égal accès de tous les opérateurs aux différents services et réseaux de télécommunication. À cette fin, les autorités de régulation nationales doivent en particulier identifier les marchés sur lesquels interviennent des opérateurs “puissants” (anciens opérateurs historiques) auxquels sont imposés des obligations spécifiques visant à faciliter l'accès des tiers au réseau. L'ouverture à la concurrence doit s'effectuer dans le respect du service universel qui doit être assuré de façon permanente en tous points du territoire à un prix abordable pour tous les utilisateurs. Par ailleurs, la Commission veille aussi à l'exercice d'une concurrence effective entre les réseaux de communication mobiles au sein de l'Union qui a conduit à l'adoption de plusieurs règlements.