Droit français de la concurrence
Autorisations d'investigation sans autorisation dudiciaire
L’article L. 450-3 autorise les agents habilités à procéder, sans autorisation judiciaire préalable, à un certain nombre d’investigations limitativement énumérées afin de rechercher et de vérifier l’existence de pratiques contraires aux règles de la concurrence. Ils peuvent ainsi opérer sur la voie publique, accéder à tous lieux utilisés à des fins professionnelles ou d’exécution d’une prestation de services, ainsi qu’à tous moyens de transport à usage professionnel, exiger la communication des livres, factures et autres documents professionnels et en obtenir ou prendre copie par tous moyens et sur tous supports, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications nécessaires au contrôle. Ils peuvent également accéder aux données des entreprises conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications, sur demande auprès du contrôleur des données de connexion. La visite peut avoir lieu de manière inopinée. Aucun mandat spécifiant l’objet de l’enquête n’est nécessaire.
Contrôles des pratiques commerciales sans contrôle a priori
Les enquêtes simples ne sont soumises à aucun contrôle a priori, dans la mesure où l’énumération limitative des pouvoirs d’investigation des agents garantit suffisamment les droits des particuliers ou des entreprises suspectés. La loi Hamon du 17 mars 2014 a néanmoins introduit une exception en prévoyant qu’une autorisation judiciaire est requise lorsque les locaux visités sont également à usage d’habitation et que l’occupant s’oppose à la mesure.
Obligations de communication claires lors des enquêtes
Les enquêteurs sont tenus de faire connaître aux personnes interrogées l’objet de leur enquête de manière suffisamment claire et précise. En effet, si les agents habilités peuvent procéder aux recherches et vérifications sans communication préalable de la procédure aux personnes concernées, leurs démarches ne doivent pas conduire les personnes entendues à faire, dans l’ignorance de l’objet de l’enquête, des déclarations sur la portée desquelles elles pourraient se méprendre et qui seraient ensuite utilisées contre elles. Les enquêtes sont menées à la discrétion de l’Administration qui n’a pas à en indiquer les motifs. L’obligation de communiquer l’objet de l’enquête n’implique pas que l’autorité la prescrivant doive au préalable délimiter le marché sur lequel les investigations pourront porter. La qualification du marché relève des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence et, en cas de recours, de la Cour d’appel de Paris.
La preuve de la communication de l’objet de l’enquête peut être apportée par la mention pré-imprimée figurant au procès-verbal indiquant que l’objet de l’enquête a été porté à la connaissance de la personne entendue est suffisante, à moins que celle-ci apporte la preuve contraire. En tout état de cause, la preuve de la connaissance de l’objet de l’enquête peut résulter des mentions mêmes du procès-verbal :
- mention de l’article L. 450-3 et demande de précisions à propos de documents régulièrement saisis ;
- visa des textes applicables ;
- mention univoque de l’objet de l’enquête, du cadre légal et du secteur concerné ;
- déclarations des personnes entendues consignées dans le procès-verbal.
La connaissance de l’objet de l’enquête peut également être inférée d’éléments extérieurs au procès-verbal :
- lettre adressée aux personnes interrogées par la DGCCRF ;
- déclarations des personnes entendues, corroborées par les procès-verbaux d’inventaire des documents communiqués ;
- termes des déclarations des personnes interrogées ;
- déclarations de la personne à l’origine d’une plainte.
Pouvoirs d'enquête et recours aux expertises
Les enquêteurs ont le pouvoir de se faire remettre des documents, d’accéder aux locaux ou d’entendre les entreprises soupçonnées d’infraction aux règles de concurrence. Ils peuvent aussi recourir à l’expertise.
Il n’existe pas de voie de recours autonome contre le déroulement des enquêtes simples, puisque celles-ci, contrairement aux enquêtes lourdes, ne font pas l’objet d’une autorisation préalable. Toute contestation doit donc être portée devant l’Autorité de la concurrence, dans le cadre de la procédure administrative. Plus exceptionnellement, les entreprises peuvent saisir le Conseil d’État pour obtenir que le ministre de l’Économie leur communique les procès-verbaux et le rapport d’enquête de la DGCCRF afin de pouvoir apprécier les éléments qui ont permis à l’Administration de forger sa décision de ne pas poursuivre ses investigations.
Étendue des pouvoirs d'investigation selon la loi Macron
L’article L. 450-3 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi Macron du 6 août 2015, autorise les enquêteurs à demander communication et obtenir ou prendre copie des livres, factures ou tous autres documents professionnels “de toute nature, entre quelques mains qu’ils se trouvent, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission”. Cette demande ne doit pas être imprécise et générale. Il doit s’agir de documents dont les enquêteurs connaissent l’existence et qu’ils sont en mesure d’identifier. La remise des documents doit en principe être spontanée. L’article L. 450-3 du Code de commerce précise que la copie peut être prise ou obtenue, “par tous moyens et sur tous supports”, ce qui conforte le pouvoir reconnu aux enquêteurs par la jurisprudence. Les personnes en cause peuvent refuser de communiquer des documents couverts par le secret professionnel. Depuis la loi Hamon du 17 mars 2014, l’article L. 450-3 permet aux agents d’accéder, pour le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique, aux logiciels et aux données stockées ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. La loi Macron a renforcé les pouvoirs des agents qui peuvent désormais exiger que les moyens indispensables pour “effectuer leurs vérifications” soient mis à leur disposition. L'ordonnance de transposition de la directive ECN+ est venue préciser que les agents peuvent exiger de l'entreprise tout moyen “de déchiffrement” des documents professionnels (C. com., art. L. 450-3, al. 4).