Droit français de la distribution
Caractéristiques du contrat de distribution exclusive
Aux termes du contrat de distribution exclusive, le fournisseur s'engage à réserver au distributeur l'exclusivité de la distribution de ses produits pour un secteur géographique déterminé. Caractéristique essentielle du contrat de distribution exclusive, l'exclusivité territoriale représente la contrepartie des efforts commerciaux que le distributeur consentira dans l'intérêt du fournisseur et de sa marque. Son absence peut impliquer la requalification du contrat en un contrat de distribution sélective.
Précision et manifestation de l'exclusivité territoriale
L'exclusivité territoriale accordée au distributeur ne se présume pas. Le territoire concédé doit être précisé dans le contrat ou établi par celui qui s'en prévaut. Cette démonstration peut être faite par tous moyens, mais l'exclusivité suppose une manifestation expresse de volonté. En particulier, une exclusivité de fait pendant une longue période ne donne pas naissance à une exclusivité de droit au profit d'un distributeur, qui lui permettrait de s'opposer à la nomination d'un nouveau distributeur par le concédant.
L'étendue du territoire concédé varie selon les contrats. Elle peut couvrir une région, un département, ou un État entier. Librement fixée par les parties, elle doit répondre aux besoins de la clientèle tout en assurant une activité suffisante au distributeur.
Modification unilatérale du territoire concédé
La modification de l'étendue du territoire concédé décidée unilatéralement par le fournisseur constitue une faute qui peut justifier la résiliation du contrat. L'exclusivité territoriale doit être respectée, y compris lors du préavis de rupture.
Responsabilité du fournisseur et résiliation du contrat
Le fournisseur qui désigne ou approvisionne un autre distributeur dans la zone concédée au distributeur exclusif commet une faute qui engage sa responsabilité contractuelle ou justifie la résiliation du contrat à ses torts. L'obligation d'exécution de bonne foi permet d'appréhender des situations qui, si elles ne correspondent pas exactement aux stipulations contractuelles, n'en constituent pas moins une violation de l'obligation de respect de l'exclusivité concédée au distributeur exclusif. Ainsi, un fournisseur commet une faute lorsqu'il permet à un distributeur de commercialiser des produits de la gamme couverte par l'exclusivité accordée à l'un de ses distributeurs, quel que soit leur lieu de fabrication. Eu égard à la rigueur de la jurisprudence, le fournisseur doit se montrer particulièrement prudent et rigoureux. En effet, la simple mention de l'existence d'autres entreprises que celle du distributeur sur le site Internet du concédant peut engager la responsabilité du fournisseur, même si ce dernier ne leur a pas concédé de contrat de distribution.
Exonération de la responsabilité contractuelle du fournisseur
Le fournisseur peut s'exonérer de sa responsabilité contractuelle en établissant que la désignation d'un nouveau distributeur repose sur des justifications objectives prévues au contrat, à condition que la procédure contractuelle soit respectée. Toutefois, il convient de s'assurer que les modifications ne constituent pas une rupture partielle de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-1, II du Code de commerce qui impose le respect d'un préavis sauf, tel que le texte est interprété par la jurisprudence, en cas de faute grave.
Abandon de l'exclusivité et rupture des relations commerciales
De fait, il arrive fréquemment qu'en cours de préavis, l'exclusivité territoriale du distributeur soit remise en cause et que le fournisseur nomme un deuxième distributeur en vue de préparer la succession du distributeur résilié et de pallier le désintérêt de l'ancien représentant de la marque pour la promotion des produits et services contractuels. La Cour de cassation a considéré que “l'abandon réciproque de l'exclusivité conformément aux stipulations contractuelles n'est pas assimilable à une rupture partielle des relations commerciales”. Les juges valident la clause qui “prévoit un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d'exclusivité territoriale et d'approvisionnement exclusif” en considérant qu'elle “constitue l'aménagement contractuel de l'exécution de préavis en cas de rupture du contrat' et 'qu'elle n'a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives” de l'article L. 442-1, II Code de commerce et ne s'analyse pas en rupture partielle des relations commerciales. La solution s'explique par l'existence d'une clause contractuelle et par le bilatéralisme de la levée d'exclusivité. La prudence s'impose néanmoins car il n'est pas certain que cette jurisprudence perdure. En effet, dans le même temps, la Cour de cassation affirme très nettement que le préavis doit être exécuté dans les mêmes conditions que le contrat et qu'une levée d'exclusivité par le fournisseur équivaut à une rupture, au moins partielle, de relations commerciales établies. Dès lors que le droit de la rupture de relations commerciales établies est d'ordre public et ne peut être écarté a priori par une clause contractuelle contraire, même en cas de clause contractuelle de levée de l'exclusivité pendant le préavis, il n'est pas certain que celle-ci puisse faire échec au droit commun de la responsabilité pour rupture de relations commerciales établies, sauf en cas de manquement avéré à une obligation stipulée au contrat.
Fautes du distributeur et suspension de l'exclusivité
Les fautes commises par un distributeur dans l'exécution du contrat autorisent le fournisseur à faire jouer l'exception d'inexécution pour retrouver sa liberté commerciale. L'exclusivité peut ainsi être suspendue. Si le fournisseur peut, à titre provisoire, soit procéder à des ventes directes, soit faire distribuer les produits par des tiers, l'inexécution ne l'autorise pas à installer un nouveau distributeur.