Infraction complexe

Droit français de la concurrence

Des comportements successifs, accomplis de manière durable, et organisés, dans une finalité commune, constituent un seul et même comportement anticoncurrentiel, qualifié d'infraction complexe, indépendamment du degré de participation individuelle de chaque entreprise. Différents comportements doivent ainsi être considérés comme faisant partie d’un plan global lorsqu'ils poursuivent un objectif identique, concernent les mêmes produits et sont adoptés par le même noyau dur d'entreprises qui a participé à toutes les composantes de l'infraction. Seule l'existence d'un but commun est requise : il est inutile de démontrer la complémentarité des pratiques. L'absence de certains opérateurs à certaines réunions, le non-respect de l'entente, les rivalités, voire les tricheries, n'empêchent pas de constater leur égale implication dans une infraction globale : les entreprises sont responsables du fait d'autrui. Le degré, variable, de participation à l'entente n'est pris en considération qu'au stade de la sanction. Néanmoins, des entreprises arrivées tardivement dans le cercle des réunions anticoncurrentielles, à un moment où les discussions en cause présentaient un caractère quasi public, à plus forte raison lorsque celles-ci ne les concernaient que très marginalement, ne peuvent être considérées comme ayant participé à une infraction complexe. De même, la participation d'une entreprise à une entente ne peut être déduite de preuves qui n'établissent que des rencontres bilatérales impropres à démontrer sa connaissance des autres volets de l'infraction. Des pratiques au caractère disparate ne peuvent pas être regardées comme les composantes d'une infraction complexe en l'absence de liens d'identité et de complémentarité suffisants.

La suspension de la participation d'une entreprise aux réunions anticoncurrentielles pendant dix-neuf mois ne remet pas en cause la possibilité de lui imputer une infraction complexe et continue, dès lors qu'elle démontre ultérieurement son adhésion à celle-ci en assistant à de nouvelles réunions qui poursuivent le même objectif et donnent lieu à des échanges d'informations de même nature entre les mêmes entreprises. Par ailleurs, la seule surveillance instituée par les parties à l'entente suffit à établir la continuité de leur participation à l'infraction au cours des deux années écoulées entre deux réunions, même si aucun acte matériel d'exécution n'est observé, dès lors qu'un pacte de non-agression n'exige pas la tenue de rencontres régulières. Il est indifférent que certains des éléments de l'infraction aient cessé lorsque d'autres n'ont pas connu d'interruptions significatives. De fait, après une dernière réunion, la persistance de l'objectif commun peut se manifester sous d'autres formes, telles que l'exercice de pressions sur les francs-tireurs ou des prises de contacts en vue d'enrayer des chutes de prix. La seule baisse d'intensité d'une entente n'entraîne pas non plus son extinction lorsqu'elle ne résulte pas d'une distanciation des entreprises participantes, mais de circonstances extérieures à leur volonté.

L'Autorité de la concurrence a récemment importé en droit français la notion d'infraction répétée, développée par le juge de l'Union : une entente qui a connu une période d'interruption de près d'un an et demi peut être qualifiée d'infraction unique et répétée lorsque, avant et après la suspension, elle se caractérise par une identité des modalités de mise en œuvre, de participants, de produits concernés et de champ géographique.

Pour établir la participation d'une entreprise à une entente globale, impliquant d'autres entreprises que celles avec laquelle elle s'est directement concertée, la Cour de cassation exige, à l'instar de la Cour de justice, que soit apportée la preuve qu'elle a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par ces autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque. L'entreprise qui n'a pas eu connaissance de l'étendue exacte des contacts auxquels elle n'était pas partie ne peut être tenue responsable que des pratiques pour lesquelles sa participation est établie. Une infraction complexe peut cohabiter avec une entente ponctuelle.

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