Afin d'assurer l'effet utile de l'obligation préalable de notification et l'efficacité du contrôle, une opération de concentration est suspendue pendant un délai de vingt-cinq jours ouvrés à compter de la notification complète. La réalisation effective de la concentration ne peut intervenir qu'après accord de l'Autorité de la concurrence ou du ministre de l'Économie, lorsqu'il a évoqué l'affaire (C. com., art. L. 430-4). Le délai est prorogé lorsque les parties présentent des mesures visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération ; il expire alors quinze jours ouvrés après la réception des engagements.
Une dérogation peut être obtenue en cas de nécessité particulière dûment motivée afin de pouvoir procéder à la réalisation effective de tout ou partie de la concentration sans attendre la décision. L'octroi de cette dérogation peut être soumis à condition. Si dans les trois mois à compter de la réalisation effective de l'opération, l'Autorité n'a pas reçu la notification complète, la dérogation cesse d'être valable. Par ailleurs, l'article R. 430-5 du Code de commerce prévoit de façon spécifique que lorsqu'une concentration est réalisée par achat ou échange de titres sur un marché réglementé, l'absence de décision de l'Autorité ne fait pas obstacle au transfert des titres. Toutefois, sa réalisation effective n'intervient que lorsque sont exercés les droits attachés aux titres. Comme en droit de l'Union, l'usage des droits de vote attachés aux titres est donc suspendu dans l'attente de la décision de l'Autorité. Les parties ont la faculté de soumettre leur offre à la condition suspensive de l'autorisation. L'absence d'autorisation rend l'offre caduque. Une nouvelle offre peut être déposée sans condition, ou en cours de procédure, en cas de surenchère.
Les lignes directrices règlent, en outre, le cas particulier de la cession de bloc de contrôle. Dans cette hypothèse, le contrôle de la concentration est déclenché par deux événements indissociables : la conclusion de l'accord hors marché et le dépôt de l'OPA. De telles opérations peuvent être notifiées au stade de la conclusion de l'accord hors marché si le projet est suffisamment abouti ou après le lancement de l'OPA, lorsque l'opération est engagée de manière irrévocable. La suspension s'applique aussi bien à l'exercice des droits attachés aux titres acquis hors marché qu'à celui des droits attachés aux titres faisant l'objet de l'OPA. En revanche, les opérations analogues dont la seconde étape consiste en une offre privée d'achat ne bénéficient pas d'une dérogation automatique à la suspension et sont soumises à l'obligation de notification dès l'acquisition du contrôle par tout moyen.
Selon l'Autorité, la réalisation anticipée d'une concentration peut être réprimée lorsqu'elle intervient au cours de la période suspensive, qui court de la date de notification jusqu'à la date d'autorisation, la prohibition s'appliquant dès avant la notification, et même en l'absence de notification. L'interdiction de la réalisation anticipée d'une concentration vise à garantir que l'opération ne produise ses effets sur le marché concerné - et que les parties ne cessent de se comporter en concurrents - avant que l'Autorité de la concurrence n'ait été en mesure d'effectuer son bilan concurrentiel et, si besoin est, de rendre des remèdes obligatoires. Le “gun jumping”, c'est-à-dire la mise en oeuvre d'une opération notifiée avant son autorisation, soit par le transfert effectif à l'acquéreur de tout ou partie des actifs de la cible et des droits qui y sont attachés, soit, sans que la propriété des actifs ne soit transférée, par l'acquisition d'une influence déterminante sur tout ou partie des activités de la cible, est sévèrement sanctionné. L'amende peut s'élever à 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté le cas échéant de celui de la partie acquise (pour les personnes physiques, le montant maximum est de 1,5 million d'euro). La réalisation anticipée d'une concentration peut être sanctionnée sans avoir à démontrer que cette infraction aurait eu des effets sur la concurrence. En outre, l'infraction doit être imputée à la société qui acquiert de façon ultime le contrôle de la cible, et non à la seule société juridiquement signataire de la notification, dans la mesure où cette société dispose, “directement ou indirectement”, de la “possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité” de la cible.