Le caractère consensuel du contrat de distribution exclusive ne fait pas obstacle à l'exercice par le fournisseur, initiateur du réseau, de son pouvoir de gestion et d'organisation. Aussi peut-il modifier unilatéralement certaines conditions contractuelles, notamment sa politique tarifaire et sa politique commerciale, dès lors que ces modifications ne constituent pas un abus de sa part. Un distributeur ne saurait donc exiger l'intangibilité de la politique commerciale du réseau et s'opposer aux modifications apportées au système de primes, à moins que le fournisseur ne diminue de façon draconienne l'ensemble des conditions financières du contrat et se mette lui-même à l'abri d'une évolution défavorable du marché. De même, le refus intransigeant du distributeur d'accepter de nouvelles conditions commerciales temporaires, ou un nouveau système de gestion prévisionnelle utile à la bonne marche de l'entreprise, est fautif. Un distributeur ne peut pas davantage reprocher à son fournisseur de lui imposer la vente de produits de substitution low cost lorsque le contrat comporte une clause selon laquelle la liste des produits confiés au distributeur pourra être augmentée ou réduite par son cocontractant. Enfin, la réduction du territoire contractuel imposée à l'ensemble des distributeurs à la suite de la réorganisation du réseau n'est pas fautive lorsqu'elle n'a pas eu de conséquences négatives sur les ventes. Dans certains cas, le comportement du distributeur peut être à l'origine des modifications unilatérales du fournisseur. Ses impayés peuvent ainsi conduire le fournisseur à bloquer les livraisons et instaurer un système de paiement au comptant.
La modification unilatérale doit être exempte d'abus. L'appréciation de la légitimité d'une telle modification peut parfois conduire le juge à s'immiscer dans la gestion des entreprises, ingérence qui peut être difficilement justifiable. Le fait pour un fournisseur d'augmenter unilatéralement les obligations d'achat de son distributeur, d'imposer de nouvelles modalités de traitement du service après-vente qui induisent de nouvelles charges pour le distributeur exclusif, d'arrêter la production de l'un des articles qui constituent l'objet principal de l'accord, de faire varier unilatéralement les objectifs de vente alors qu'en principe leur fixation doit être commune, de modifier les conditions de vente des produits, lorsque, dans un contexte général difficile, il impose de lourds sacrifices au distributeur tout en distribuant d'importants dividendes à ses actionnaires, ou encore de tenter d'imposer à son distributeur un changement de marque, a été jugé abusif.
La modification unilatérale peut s'analyser en une rupture partielle de relations commerciales établies. La Cour de cassation a estimé que tel est le cas lorsque le fournisseur annonce au distributeur, moins de quinze jours avant la prise d'effet de sa décision, que dorénavant les commandes devront être passées auprès d'un intermédiaire, à des conditions tarifaires moins avantageuses.
Enfin, la modification unilatérale des conditions contractuelles par le fournisseur peut constituer un trouble manifestement illicite, lorsqu'elle sanctionne un manquement pour lequel le contrat prévoit d'autres mesures.