La “failing company defense” a été introduite en droit antitrust américain par l'arrêt de la Cour suprême Citizen (394 US 131, 1969) avant d'être reprise pour la première fois par les Merger Guidelines de 1992. Une concentration anticoncurrentielle peut bénéficier d'une dérogation à l'interdiction posée par la section 7 du Clayton Act si le défendeur établit que la société cible court un risque certain de cessation des paiements et ne peut être réorganisée et qu'aucune alternative moins restrictive de concurrence n'existe (rachat par une entreprise moins puissante ou non concurrente). La théorie de l'entreprise défaillante a été consacrée en quelques occasions en droit européen. Bien qu'il ne soit pas toujours dénué d'ambiguïté, le raisonnement qui la fonde ne s'inscrit pas dans le cadre d'un système d'exemption ou de rachat mais trouve sa place au sein d'une analyse purement concurrentielle : du fait des difficultés de l'entreprise-cible, qui aurait de toute façon disparu du marché, le lien de causalité entre la concentration et l'atteinte à la concurrence est rompu. En d'autres termes, l'opération ne serait pas la cause de la restriction et devrait donc être autorisée.
Dans ses lignes directrices relatives à l'appréciation des concentrations horizontales, la Commission pose comme condition fondamentale à la compatibilité de la concentration que la détérioration de la structure de la concurrence qui se produirait après la concentration ne soit pas causée par cette opération. Une interdiction de la concentration ne se justifie pas si la détérioration de la structure concurrentielle du marché serait aussi grave, voire pire, si l'opération ne se réalisait pas.
L'admission de l'"argument de l'entreprise défaillante" est subordonnée à la réunion de trois conditions :
- disparition à brève échéance de l'entreprise acquise en l'absence de concentration ;
- absence d'alternative d'achat moins dommageable pour la concurrence ;
- disparition inévitable de l'entreprise défaillante du marché en l'absence de concentration ; le caractère inévitable de la disparition des actifs est établi dès lors que la part de marché de l'entreprise acquise serait reprise par l'entreprise acquéreuse en cas de disparition de la première, cette condition devant être appréciée sur une période raisonnable correspondant à la durée de cycle des produits sur le marché en cause et la reprise devant résulter directement de l'opération.
L'argument de la société défaillante doit être rejeté lorsqu'il n'est pas démontré que la disparition inévitable d'une entreprise permettrait à la société repreneuse, à défaut de reprise dans le cadre d'une concentration, d'acquérir la même part de marché alors que l'opération notifiée renforcerait au contraire sa position dominante en lui permettant d'utiliser le potentiel d'une nouvelle enseigne.