Le franchisé qui exploite son activité dans des locaux dont il est locataire peut-il se prévaloir de la propriété commerciale, prévue aux articles L. 145-4 et suivants du Code de commerce relatifs aux baux commerciaux ? La reconnaissance de la propriété commerciale permet au commerçant locataire d'obtenir le renouvellement de son bail arrivé à expiration ou à défaut, une indemnité compensant le préjudice qui lui est causé par la privation des locaux consacrés à l'exploitation. La propriété commerciale ne se justifie que si le locataire a réuni une clientèle autour des lieux loués.
Initialement, la Cour d'appel de Paris avait dénié au franchisé la propriété de sa clientèle, au motif que celle-ci était principalement attirée par la marque du franchiseur. Il incombait donc au franchisé, pour bénéficier du statut des baux commerciaux, d'établir qu'il disposait d'une clientèle propre, distincte de celle du franchiseur, en démontrant que le droit au bail, dont il avait la jouissance, avait sur la clientèle un attrait prévalant sur celui de la marque du franchiseur. Seule une décision isolée de 1992 affirmait que le franchisé dont les apports ont permis de concrétiser la clientèle simplement virtuelle du franchiseur avait droit au renouvellement de son bail commercial. Opérant un revirement, la cour d'appel a ensuite estimé que le franchisé, commerçant indépendant, est comme tel propriétaire de sa clientèle. La Cour de cassation a ultérieurement consacré cette solution : “la clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls”. Le risque d'entreprise devient ainsi le critère essentiel de la propriété commerciale. La clause imposant au franchisé d'exploiter son activité sous la seule enseigne du franchiseur est nulle lorsqu'elle fait obstacle à la déspécialisation partielle du bail commercial. Aussi, lorsque le franchiseur est également le bailleur du franchisé et que le bail a pour destination exclusive l'activité franchisée, la rupture du contrat de distribution n'a-t-elle pas pour effet d'entraîner celle du bail, ni d'imposer au fournisseur de verser une indemnité de congé, dès lors que le franchisé peut solliciter la déspécialisation.
Le franchisé a droit à une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement si la clientèle locale existe grâce à son activité et fait partie du fonds de commerce qu'il exploite à ses risques et périls. En revanche, l'existence d'une clientèle locale attachée au fonds de commerce du franchisé n'exclut pas que le franchiseur ait pu, de son côté, développer une clientèle nationale attachée à la notoriété de son enseigne, qu'il peut, sans se rendre coupable de concurrence déloyale, librement démarcher à la fin du contrat au moyen du fichier qu'il a constitué, pour l'orienter vers le nouveau franchisé. Après avoir estimé que le franchisé avait droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui causent la rupture du contrat et l'existence d'une clause de non-concurrence qui le dépossède de sa clientèle, la Cour de cassation est revenue sur sa position. Elle a écarté l'application des règles relatives à l'enrichissement sans cause au franchisé qui se prétend dépossédé de sa clientèle par l'effet d'une clause de non-concurrence post-contractuelle, dès lors que l'enrichissement et l'appauvrissement trouvent, selon la Haute juridiction, leur cause dans l'exécution ou la cessation du contrat. A fortiori, le franchisé ne peut prétendre à une indemnité de clientèle lorsque le franchiseur l'a délié de ses obligations de non-affiliation et de non-concurrence. Cependant, lorsque le contrat de franchise réserve au franchisé la propriété de la clientèle, le franchiseur ne peut substituer au logiciel d'exploitation un nouvel outil assorti d'un contrat de licence qui lui permet de désactiver le compte du franchisé à l'expiration du contrat, le dépossédant ainsi de l'accès à la clientèle sans encourir la résiliation du contrat à ses torts. De même, la clause d'un avenant au contrat de franchise, dont il est précisé qu'il prime sur le contrat lui-même, qui réserve au franchisé la propriété de la clientèle locale s'oppose au transfert au franchiseur des contrats en cours à la date de la rupture, prévue par une autre stipulation du contrat, ou à l'application d'une clause de non-concurrence postcontractuelle qui le priverait de la faculté d'exploiter cette clientèle. Enfin, le cessionnaire du fonds de commerce du franchisé ne peut, lorsqu'il n'a pas adhéré au réseau, reprocher au franchiseur d'exploiter le fichier clientèle du cédant, dès lors que celui-ci n'est pas compris dans la cession mais est attaché à la qualité de membre du réseau.