Location-gérance

 

Droit français de la distribution

La location-gérance ou “gérance libre” est un contrat par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce n'exploite pas lui-même le fonds, mais le loue à un gérant qui l'exploite pour son compte. Contrairement au gérant salarié, le gérant libre est un commerçant. À l'origine, ce contrat permettait d'assurer l'exploitation des fonds que les propriétaires ne pouvaient exploiter eux-mêmes ou à l'acquéreur potentiel d'un fonds de commerce dont le propriétaire souhaitait prendre sa retraite, de “tester” le fonds avant de l'acquérir. Pour lutter contre la spéculation sur les fonds de commerce après la Seconde guerre mondiale - les possesseurs de capitaux achetaient des fonds pour les louer, entraînant ainsi un risque d'augmentation des prix et de mauvaise exploitation -, le législateur a adopté la loi du 20 mars 1956, aujourd'hui codifiée aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du Code de commerce.

L'article L. 144-1 du Code de commerce définit la location-gérance comme le contrat par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce en concède la location. Le bail ne porte pas sur des locaux, mais sur un fonds de commerce, propriété incorporelle qui consiste dans le droit à la clientèle attachée au fonds par les éléments servant à l'exploitation. La concession d'un point de vente au sein d'une grande surface s'analyse donc en une location-gérance si le contrat met à la disposition du concessionnaire la clientèle préexistante de la grande surface et lui assure une autonomie dans l'exploitation du fonds. Le terme “location” utilisé par l'article L. 144-1 laisse supposer la nécessité d'une contrepartie pécuniaire à la jouissance des lieux. Cependant, le texte n'exige pas expressément le versement d'un loyer pour soumettre le bail du fonds de commerce aux dispositions relatives à la location-gérance. Selon la Cour de cassation, même en l'absence de redevance convenue, l'exploitation à ses risques et périls d'un fonds de commerce par une société juridiquement distincte du propriétaire du fonds, et dans leur intérêt commun, constitue un contrat de location-gérance. En pratique, les parties prévoient dans la majeure partie des cas le versement d'un loyer ou d'une redevance sous forme d'un pourcentage à valoir sur le chiffre d'affaires ou les bénéfices. La location-gérance doit être distinguée non seulement de la gérance-mandat ou de la gérance salariée, mais aussi de contrats voisins comme le bail commercial et la sous-location, qui ne portent que sur les locaux et non le fonds de commerce lui-même, ou la vente de fonds de commerce (en l'absence de promesse synallagmatique de vente).

La licéité du contrat de location-gérance implique la réunion d'un certain nombre de conditions. Outre que, portant sur un fonds de commerce ou un fonds artisanal, au sens de l'article L. 144-1 du Code de commerce, la location-gérance suppose l'existence d'une clientèle attachée au fonds à la date de la conclusion du contrat, le locataire-gérant et le loueur doivent présenter certaines qualités pour que le contrat soit valable.

Selon l'article L. 144-2 du Code de commerce, le locataire-gérant est un commerçant soumis à toutes les obligations qui découlent de ce statut. Toutefois, le futur locataire-gérant n'a pas l'obligation d'être immatriculé au registre du commerce et des sociétés au moment de la signature du contrat car c'est justement celle-ci qui a pour effet de lui conférer la qualité de commerçant exigée à l'article L. 144-2 du Code de commerce.

Le loueur peut, aux termes de l'article L. 144-1, être le propriétaire ou l'exploitant du fonds, personne physique ou morale. Il peut s'agir de l'usufruitier, l'administrateur des biens d'autrui ou encore du locataire-gérant autorisé à sous-louer, à l'exception des mandataires de justice, chargés, à quelque titre que ce soit, de l'administration d'un fonds de commerce, qui demeurent toutefois tenus de respecter des formalités de publicité (C. com., art. L. 144-8). Afin de simplifier et faciliter le recours à la location-gérance, la loi 2019-744 du 19 juillet 2019 a abrogé l'article L. 144-3 du Code de commerce qui imposait, à peine de nullité du contrat, l'exploitation personnelle du fonds par le loueur pendant deux ans avant sa mise en location-gérance, ainsi que les articles L. 144-4 et L. 144-5 dont les dispositions étaient liées à celles de l'article L. 144-3, qui prévoyaient une dispense judiciaire et des exceptions légales à l'obligation d'exploitation personnelle du fonds.

Le contrat conclu en violation des dispositions légales est nul d'une nullité absolue, insusceptible de confirmation. La nullité peut être demandée par chacun des cocontractants et par les tiers intéressés, mais ne peut être invoquée par les cocontractants à l'égard des tiers (C. com., art. L. 144-10, al. 1). Elle entraîne, pour le preneur, la déchéance automatique de ses droits à renouvellement du bail commercial quand bien même la cause de nullité aurait cessé et, pour le loueur, l'impossibilité de demander une indemnité d'occupation au locataire-gérant, seulement tenu de restituer le fonds de commerce. Même si “toutes les obligations souscrites dans le cadre d'un contrat nul sont censées n'avoir jamais existé”, les juges limitent les effets de la nullité pour l'avenir pour tenir compte du caractère échelonné dans le temps de l'exécution d'un contrat de location-gérance. L'alternative consiste à indemniser les préjudices non compensés par les restitutions en procédant à un règlement de compte en fonction de la valeur de chaque prestation et de l'avantage que chacune des parties en a retiré. Au loueur la charge de rembourser les loyers perçus et de régler le stock, au locataire celle de verser une indemnité d'occupation. Selon la Cour de cassation, si cette indemnité doit prendre en considération le profit retiré par le locataire-gérant de la mise à disposition du fonds, elle doit également tenir compte de son travail, qui a contribué à sa mise en valeur.

Le contrat de location-gérance est également soumis à des conditions de forme. Il doit être publié dans la quinzaine de sa date de signature sous forme d'extraits ou d'avis dans un support habilité à recevoir les annonces légales (C. com., art. R. 144-1). La fin de la location-gérance doit également être publiée. L'obligation de publier le contrat de location-gérance n'emporte pas, en cas de reconduction du contrat, celle de procéder à une nouvelle publication si aucune modification n'est intervenue dans la nature de l'exploitation, ni dans la personne de l'exploitant depuis la publication du contrat. L'article L. 144-7 met à la charge du loueur une responsabilité solidaire “jusqu'à la publication du contrat”. Aussi le défaut d'enregistrement et de publicité de la location-gérance n'a-t-il de conséquence que dans les rapports du locataire-gérant et du bailleur du fonds avec les tiers : il n'affecte pas la validité du contrat.

Le locataire-gérant acquiert la qualité de commerçant et est soumis à toutes les obligations qui en découlent (C. com., art. L. 144-2). Il doit se faire immatriculer au registre du commerce et des sociétés. Les dates du début et de fin de la location-gérance sont déclarées au registre ainsi que, le cas échéant, la possibilité de renouveler le contrat par tacite reconduction (C. com., art. R. 123-38, 8°). Le locataire-gérant indique sa qualité sur ses papiers d'affaires, tels que les factures, bons de commande, tarifs et documents publicitaires, correspondances et tous récépissés concernant l'activité et signés par lui ou en son nom (C. com., art. R. 123-237, 6°).

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