Pour délimiter le champ d'application des règles du Code de commerce en matière de contrôle des concentrations, il doit être tenu compte du droit spécial de la concentration propre aux secteurs de la presse, de la communication audiovisuelle, de la banque et des assurances.
1) Presse
La loi du 1er août 1986 sur le statut juridique de la presse prévoit en son article 11 qu'est “interdite, à peine de nullité, l'acquisition, la prise de contrôle ou la prise en location-gérance d'une publication quotidienne imprimée d'information politique et générale lorsque cette opération a pour effet de permettre à une personne physique ou morale ou à un groupe de personnes physiques ou morales de posséder, de contrôler, directement ou indirectement, ou d'éditer en location-gérance des Publications quotidiennes imprimées d'information politique dont le total de la diffusion excède 30 % de la diffusion sur le territoire national de toutes les Publications quotidiennes imprimées de même nature”. De même, la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication contient des dispositions (art. 38 et 39) visant à contrôler les concentrations en matière de communication audiovisuelle, en limitant la participation au capital social d'une télévision par voie hertzienne qu'une même personne peut détenir, directement ou indirectement, ainsi que les cumuls d'autorisations, que celles-ci concernent un même support de communication audiovisuelle ou plusieurs supports de communication en général (concentration “multimédias"). En particulier l'article 39, I, n'autorise la détention de plus de 49 % de l'entreprise cible qu'à la condition que celle-ci ne réalise pas plus de 8 % de l'audience totale des services de télévision tant en mode analogique qu'en mode numérique. La cohabitation de ces dispositions avec les règles générales de contrôle fait débat. Certains commentateurs estiment que l'exclusion de ces secteurs est aujourd'hui remise en cause par l'article L. 410-1 du Code de commerce selon lequel le livre IV sur la concurrence s'applique à toutes les activités économiques, sans distinction.
2) Audiovisuel
Pour la communication audiovisuelle, la loi du 1er août 2000 a modifié la rédaction de l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, qui excluait formellement ce secteur du champ d'application du droit commun des concentrations. Depuis la loi NRE, l'alinéa 1er de l'article 41-4 soumet expressément ce secteur au contrôle des concentrations. La loi LME du 4 août 2008 a changé la rédaction sans en modifier le sens. Le texte prévoit désormais que “lorsqu'une opération de concentration concernant, directement ou indirectement, un éditeur ou un distributeur de services de radio et de télévision fait l'objet d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence recueille, avant de se prononcer en application de l'article L. 430-7 du même code, l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. L'Autorité communique à cet effet au Conseil supérieur de l'audiovisuel toute saisine relative à de telles opérations. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel transmet ses observations à l'Autorité de la concurrence dans le délai d'un mois suivant la réception de cette communication”. Une application cumulative des règles générales et des règles spéciales sera nécessaire.
3) Banque
L'Administration considérait traditionnellement que ce secteur n'échappait pas au contrôle des concentrations. Ainsi, dans sa méthode d'analyse, la DGCCRF faisait valoir qu'"il y a toutefois lieu de considérer que le titre V de l'ordonnance de 1986 (actuel Livre IV, Titre III, du Code de commerce) pourrait s'appliquer aux opérations de concentration concernant les établissements de crédit, dans la mesure où les règles spéciales édictées par la loi bancaire en matière de concentrations l'ont été dans un but essentiellement prudentiel, étranger aux objectifs généraux de maintien de la concurrence poursuivis par l'ordonnance. Ces règles spéciales s'ajoutent donc aux règles de droit commun du titre V, mais ne peuvent être considérées comme y dérogeant ou s'y substituant”. A l'occasion du rapprochement du Crédit Agricole avec le Crédit Lyonnais, saisi d'une demande en annulation des conditions posées à la fusion, le Conseil d'État a considéré que “les opérations de concentration portant sur des activités bancaires ne sont pas soumises à l'autorisation préalable du ministre de l'Économie”. Il a ajouté que, en dépit de l'habilitation donnée par le législateur au CECEI pour assurer le bon fonctionnement du système bancaire, cet organisme ne dispose pas d'une compétence générale pour procéder à un contrôle des concentrations, mais doit se borner à vérifier que l'opération en cause n'est pas contraire à l'article L. 420-2 du Code de commerce, qui interdit l'exploitation abusive d'une position dominante, et non sa création ou son renforcement. Le secteur bancaire n'était ainsi soumis à aucun contrôle des concentrations lorsque l'opération en cause n'était pas de dimension européenne. À la suite de cette affaire, le législateur a modifié l'article L. 511-4 du Code monétaire et financier dont les dispositions ont, à la suite de l'intégration du CECEI au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel, basculé à l'article L. 612-22 du Code monétaire et financier, qui oblige l'Autorité de la concurrence à recueillir l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel avant de se prononcer dans le cadre de l'examen approfondi sur une opération de concentration concernant le secteur bancaire. Le contrôle des concentrations bancaires relève donc de la compétence des autorités de concurrence comme pour les autres secteurs.
4) Assurances
La loi LME a introduit dans le Code des assurances des dispositions relatives au contrôle des concentrations dans ce secteur. L'article L. 413-2 dispose ainsi que “lorsqu'une opération de concentration concernant, directement ou indirectement, une entreprise visée aux articles L. 310-1 ou L. 310-1-1 fait l'objet d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence recueille, avant de se prononcer en application de l'article L. 430-7 du même code, l'avis du Comité des entreprises d'assurance. L'Autorité de la concurrence communique à cet effet au Comité des entreprises d'assurance toute saisine relative à de telles opérations. Le Comité transmet son avis à l'Autorité de la concurrence dans un délai d'un mois suivant la réception de cette communication. L'avis du Comité est rendu public dans les conditions fixées par l'article L. 430-10 du Code de commerce”. Ces dispositions figurent désormais à l'article L. 612-22 du Code monétaire et financier, qui concerne toutes les personnes soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel.