Droit français de la concurrence
Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur une personne ou un produit pour en tirer un profit. Pour qu'il soit constitutif de concurrence déloyale, il faut qu'une information malveillante ou péjorative, concernant une personne identifiable, soit diffusée à la clientèle. Le dénigrement, qui peut être direct ou indirect, se distingue de la critique et de la diffamation.
Le droit à la libre critique doit s'exercer dans certaines limites sous peine d'être qualifié de dénigrement : l'expression acceptable du droit de libre critique dépend du caractère objectif, neutre et motivé des propos tenus. La diffamation qui est soumise à des règles spéciales, se distingue aussi du dénigrement : les appréciations, mêmes excessives, qui touchent les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu'elles ne concernent pas la personne physique ou morale.
Le dénigrement peut être implicite lorsqu'il est allusif et déforme l'image du concurrent. L'exagération publicitaire n'est pas en soi répréhensible. La publicité exagérément laudative n'est condamnable que si elle est mensongère ou crée un préjudice au détriment du concurrent indirectement visé. Internet peut, comme la publicité, constituer un vecteur de dénigrement indirect : un moteur de recherche peut, involontairement, participer à la campagne de dénigrement d'une entreprise lorsqu'une fonctionnalité de son moteur permet d'associer le nom de l'entreprise au site qui la dénigre.
Il n'est pas requis, pour que le dénigrement soit illicite, que la personne visée soit nommément désignée. Il suffit qu'elle soit aisément identifiée ou identifiable. Le dénigrement peut porter sur un concurrent ou sur tout opérateur économique. En effet, un rapport étroit et direct de concurrence n'est pas nécessaire à l'existence d'un dénigrement illicite. Une clientèle finale identique est suffisante.
Le dénigrement peut porter non seulement sur l'entreprise, mais aussi sur la qualité ou le prix de ses produits ou de ses services. Sous couvert d'information ou de comparaison, une entreprise peut dénigrer les produits ou services, concurrents ou non, d'une autre entreprise, pour en détourner la clientèle. Le détournement s'entend dans un sens très atténué. L'objectif n'est pas toujours de récupérer la clientèle du concurrent dénigré, puisque le dénigrement peut exister en dehors de toute situation de concurrence, mais peut se limiter à la détacher de lui.
Pour être répréhensible, l'information diffusée à l'encontre du concurrent ou de ses produits doit être malveillante. En effet, la critique est libre dès lors que l'information est objective, motivée et neutre. Il n'est pas non plus interdit de vanter de manière excessive ses produits lorsque le message délivré n'est pas préjudiciable à d'autres opérateurs économiques identifiables. En revanche, lorsque les appréciations portées sur une activité professionnelle sont tendancieuses et que l'information, qui n'émane pas d'une personne étrangère à la profession qui ne chercherait qu'à informer de manière exacte le public sur les avantages et les inconvénients de différents modes de distribution (grossiste et détaillant), mais d'un concurrent, même indirect, dénigre les procédés de commercialisation d'un autre opérateur économique, sans émettre de réserves sur ses propres méthodes, elle revêt un caractère malveillant ou péjoratif. Le dénigrement est incontestable lorsque la comparaison des mérites respectifs des produits utilise des termes dépassant la simple critique objective et modérée, et dénote la volonté déterminée de son auteur de tourner en dérision et de discréditer les produits concurrents.
Le dénigrement peut justifier un droit de riposte à la condition qu'il ne soit pas lui-même dénigrant.
Pour retenir le dénigrement, l'information doit non seulement être malveillante mais aussi diffusée au public : l'information dénigrante purement confidentielle ne peut porter atteinte à l'image, à la réputation, aux produits ou services d'un opérateur économique. La diffusion publique peut revêtir des formes diverses : interview, annonce dans la presse, affiche, tract, lettre circulaire, Internet, etc. Le support le plus fréquemment utilisé est la publicité qui, sous couvert de la promotion de ses propres produits, donne l'occasion à l'opérateur de leur attribuer des vertus supérieures à ceux des concurrents soit pour substituer son offre à celle de son concurrent, soit pour ruiner sa réputation. Ainsi, si la publicité comparative est licite lorsqu'elle remplit un certain nombre de conditions, elle peut, dans le cas contraire, constituer un dénigrement.